Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Dupont-Aignan à Matignon si Marine Le Pen est élue
Les détails de l’« accord de gouvernement » entre le Front national et Debout la France ont été révélés hier. Vive condamnation de la classe politique
Le prix du soutien. Alors qu’il avait, par le passé et encore ces derniers mois, explicitement exclu à de multiples reprises tout rapprochement avec le Front national (lire ci-contre) Nicolas Dupont-Aignan a scellé hier son alliance avec le parti d’extrême droite. À la clef : rien de moins que la promesse de décrocher Matignon si Marine Le Pen était élue le 7 mai. Au lendemain de la conclusion d’un «accord de gouvernement» entre leurs deux partis, la candidate du FN a vanté une « grande alliance patriote et républicaine qui incarne la recomposition que le pays attend », lors d’une conférence de presse commune avec le président de Debout la France (DLF). Et de lancer : « Présidente de la République, je nommerai Nicolas Dupont-Aignan Premier ministre de la France, appuyé par une majorité présidentielle cohérente. » Nicolas Dupont-Aignan, sixième au premier tour avec 4,7 % des voix, a lui parlé d’« un jour historique » et récusé tout « ralliement » stricto sensu de son parti – des candidats Debout la France devraient ainsi être maintenus face au FN lors des législatives.
Revirement majeur du FN sur l’euro
Au-delà de cette annonce choc, le reste de l’accord a aussi été dévoilé. Il comporte six « engagements », concernant l’économie, l’immigration, les personnes handicapées (une préoccupation de longue date de Nicolas Dupont-Aignan), l’indépendance de la justice et la liberté de la presse, et l’éthique en politique (lire ci-dessous). Le plus emblématique concerne l’euro : il y est affirmé que « la transition de la monnaie unique à la monnaie commune européenne n’est pas un préalable à toute politique économique » – un revirement majeur de la part du FN. En matière de moralisation de la vie politique, les deux partis promettent « une grande loi d’éthique » au tout début du quinquennat, pour lutter contre les conflits d’intérêts et instaurer « l’exigence d’un casier judiciaire vierge pour tout candidat à une élection ». Ce qui ne manque pas d’une certaine ironie, alors que le Front national est mis en cause par la justice dans plusieurs affaires (détournement supposé de fonds publics, fraude fiscale…). Pour le FN, au-delà d’un gain potentiel de 1,7 million de voix (ce qui n’a rien d’assuré : cette prise de position a créé de fortes divergences au sein de Debout la France, au point que trois vice-présidents du parti ont démissionné), il s’agit surtout d’envoyer un signal à l’électorat de droite, alors que la formation de Marine Le Pen est souvent considérée comme isolée. Sur ce dernier point, toutefois, la manoeuvre pourrait avoir le contraire de l’effet escompté : hier, les réactions négatives se multipliaient à l’encontre du président de Debout la France, accusé de «trahison» (lire cidessous).