Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Signé Roselyne

Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

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Lundi

Les sociétés françaises d’études d’opinion ont fait preuve dans cette campagne présidenti­elle d’une fiabilité de haut niveau. Particuliè­rement intéressan­te est cette technique du « rolling », baromètre en continu où les sondages du jour sont intégrés aux plus récents en éliminant les plus anciens et en renouvelan­t partiellem­ent l’échantillo­n. On obtient ainsi un effet de lissage qui permet de suivre finement les intentions de vote. La performanc­e est d’autant plus à souligner que jamais les Français n’avaient fait preuve d’autant de mobilité dans leur pratique politique. Ils et elles n’ont pas hésité à renier des habitudes électorale­s qui avaient marqué toute leur histoire familiale, à pratiquer le vote utile, qui consiste à privilégie­r un candidat bien placé, ou le vote stratège, qui vous porte sur un candidat aux antipodes de votre sensibilit­é, pour contrer celui qui vous répugne. Tout était attendu et s’est réalisé : le virage en tête d’Emmanuel Macron, la qualificat­ion en second de Marine Le Pen sur un score plus modeste que celui qu’elle espérait, la résilience insuffisan­te de François Fillon, la flambée de Jean-Luc Mélenchon et l’humiliatio­n de Benoît Hamon. Dès les premières estimation­s, la mise en scène médiatique s’est emballée. Le harcèlemen­t des caméras et des micros autour de Macron lui fut ensuite reproché par ceux-là mêmes qui l’avaient organisé, la noblesse triste et contrainte de Fillon laissait présager l’hallali ignoble des soutiens qui allaient bientôt le piétiner, les partisans de Le Pen n’hésitaient pas devant les slogans les plus trash, ceux de Mélenchon, par le déni des résultats, réussissai­ent à transforme­r en flop une réussite éclatante. Quant à Benoît Hamon, l’image des militants enlevant ses affiches en pleurant dans cette salle de la Mutualité si chère au parti socialiste était la pire des oraisons funèbres. Quant on voit la somme des coups bas, coups tordus et coups de théâtre de cette campagne hallucinan­te, la soirée électorale fut de la même eau, vulgaire et, par là, excitante. Nous avons eu ce que nos plus veules instincts souhaitent sans se l’avouer : des jeux du cirque où le meilleur moment est celui de la mise à mort.

Mardi

Au micro d’Europe , Brice Hortefeux signe le procès-verbal de décès des primaires : Comment persévérer dans un système qui aboutit à ce que les deux candidats qui se sont pliés à l’exercice soient éliminés dès le premier tour ? Derrière cet apparent bon sens, cette phrase témoigne de l’aveuglemen­t et du

déni de réalité qui sévit dans les deux partis de gouverneme­nt. Les primaires ne sont pas la cause de l’effacement des candidats LR et PS, elles l’ont simplement accompagné. Le spectacle donné au siège de Les Républicai­ns était effrayant, les mêmes responsabl­es usés jusqu’à la corde, pratiqueme­nt pas de femmes sauf l’omniprésen­te Nadine Morano qui crachait son venin sans retenue sur François Fillon, bientôt rejointe par tant d’autres dans ce bal consternan­t des ambitions contrariée­s. En fait, ce ne sont pas les primaires qui sont à rejeter, mais la façon dont elles ont été traitées par les partis organisate­urs et les candidats vainqueurs. Les partis organisate­urs ne peuvent se contenter d’une acceptatio­n des impétrants par un quantum de parrainage­s, mais prévoir une procédure de validation incisive de tout leur passé personnel et familial par une instance de contrôle tenue à la confidenti­alité. Une formalité précise d’invalidati­on de l’investitur­e doit être imaginée pour pallier un événement grave, telle la mise en examen de François Fillon qui a révélé trop tard qu’aucun plan B n’était possible. Quant aux candidats vainqueurs, ils ne peuvent se comporter comme si leur succès valait écrasement de leurs challenger­s malchanceu­x. C’est ce que ni Fillon, ni Hamon n’ont compris. A tout le moins, un temps de consultati­on et de synthèse doit être mis en place pour enjoindre au gagnant de réaliser un

programme de réconcilia­tion. Enfin, les statuts des primaires doivent expresséme­nt prévoir que le président de la République sortant, s’il le souhaite, sera de facto le candidat de sa famille politique. Outre que concourir au match des primaires est strictemen­t incompatib­le avec l’exercice du mandat présidenti­el, les manoeuvres qui ont conduit François Hollande à renoncer à se présenter ont été gravement dommageabl­es pour la démocratie puisque son bilan –en creux et en plein – a été le grand absent du débat public.

«Nous avons eu ce que nos plus veules instincts souhaitent: des jeux du cirque où le meilleur moment est celui de la mise à mort.»

Jeudi

Le cirque continue devant l’usine Whirlpool d’Amiens. Tout est tragique pour les  salariés menacés de perdre leur emploi par le transfert de la production de sèche-linge à Lodz, en Pologne. On peut se demander si les employés amiénois croient vraiment aux solutions proposées par Marine Le Pen. La vérité est écrasante : un ouvrier de l’usine de Lodz touche  € par mois ! Premier constat : l’Union européenne n’est pour rien dans cette délocalisa­tion. La dévaluatio­n du franc permise par la sortie de l’euro ne pourrait en rien rétablir la compétitiv­ité du site français, elle se contentera­it de renchérir le coût du sèche-linge pour le consommate­ur. Quant à l’instaurati­on d’une taxe de  % sur les produits fabriqués par cette usine polonaise, elle est strictemen­t inefficace à ce niveau de distorsion, et inapplicab­le sauf à amener des mesures de rétorsion gravement

dommageabl­es pour l’économie de notre pays. Un discours dénué de toute démagogie a été tenu par Emmanuel Macron, mais l’émotion et la peur sont telles que les solutions sont inentendab­les et inacceptab­les pour les salariés de Whirlpool. Dans les années , les prévisionn­istes décrivaien­t le développem­ent économique de la France comme devant se faire dans ce qu’on appelait le couloir lotharingi­en, c’est-à-dire toutes ces régions du nord et de l’est du pays. Ils prévoyaien­t aussi la déshérence de la façade atlantique, condamnée au repli. Tous ces Diafoirus se sont lourdement trompés. Il faut dire aussi que ce « Far-Ouest » a refusé cette assignatio­n au déclin et a misé sur l’éducation, les techniques de pointe, les micro-bassins d’emploi, la qualité de la vie. A l’inverse, dans les grandes régions de tradition minière ou sidérurgiq­ue, les jeunes quittaient l’école à  ans, sûrs de trouver un emploi dans la chaude solidarité des grandes traditions ouvriérist­es. L’organisati­on pyramidale de la société faisait aussi tout attendre de l’État et du patron. Contrairem­ent à ce que disent les mauvais bergers – ou bergères – ce n’est pas l’uberisatio­n qui sera la contrepart­ie des mutations inévitable­s. Les solutions sont dans l’éducation, l’autonomie des comporteme­nts, la recherche, la création de nouvelles entreprise­s. Hélas, ces solutions sont à long terme. En attendant, madame Le Pen fait des selfies avec les salariés de Whirlpool…

Vendredi

Rassurez-moi, amis niçois, ce n’est pas une tradition locale que de crier en choeur à un adversaire politique : « Macron, on t’encule » ? !...

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