Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le circuit des exilés
L’Office du Tourisme de Sanary a organisé un circuit des villas des artistes exilés avec des plaques signalétiques. Beaucoup de villas où ont séjourné les intellectuels allemands sont encore visibles, mais demeurent les propriétés privées. Sur un mur de l’Office de Tourisme se trouve une plaque commémorant le séjour des intellectuels exilés. On peut également voir sur le port leurs principaux lieux de réunion, le café le Nautique, le café de Lyon et l’Hôtel de la Tour. Les principales villas :
Villa Roge, rue de la Prudhommie, où habita Wilhelm Herzog.
Villa Lazare, avenue du Praco, première villa habitée par les époux Feuchtwanger.
Villa Valmer, boulevard Beausoleil, où habitèrent les époux Feuchtwanger.
Moulin Gris, au début du chemin de la Colline, en face de la chapelle NotreDame-de-Pitié, habité par Ce sont des personnages dignes d’un roman : le ménage à trois qu’ils ont formé avec l’écrivain Pierre Roché inspirera plus tard François Truffaut pour son célèbre film Jules et Jim. Leur fils n’est autre que Stephen Hessel, l’homme d’ Indignez vous ! ce livre politique qu’il a publié en 2010 à l’âge de 93 ans et qui a eu un succès international. Plus de cinquante écrivains et artistes allemands et autrichiens, juifs pour la plupart, fréquentent Sanary dans les années 1930. Sur le port, on se réunit au café de la Marine ou dans le bar Chez Schwob, appelé aujourd’hui le Nautique. On y débat sur l’art et la littérature mais aussi sur la misère, les passeports, l’autorisation de travail et de séjour. S’accompagnant à la guitare, Bertold Brecht improvise des chansons contre Hitler tandis que, quelques tables plus loin, des pêcheurs à l’accent ensoleillé tapent une belote en buvant de l’anisette. Arrive septembre 1939. La guerre démarre. Tout bascule en Europe. Les réfugiés allemands de Sanary deviennent les ressortissants d’un pays ennemi. « Sanary qu’on nommait l’an dernier Sanary-les-Allemands est devenue Sanary-lesJuifs », écrit Schickelé. Les dénonciations commencent. Un jour, la police se rend chez l’écrivain Franz Werfel. Au cours Franz Werfel et Alma Malher.
Mas de Carreirado, impasse Lou Cimai, où est mort Franz Hessel.
VillaKerrColette,sur le boulevard Raphaël Boyer où a séjourné Lola Sernau, secrétaire de Lion Feuchtwanger. de la nuit précédente, il a cherché un manuscrit chez lui à la lueur d’une torche. Un voisin a imaginé que, du haut de Sanary, il adressait des messages lumineux à un navire de guerre allemand. Il a prévenu la police.
Une filière pour fuir Sanary
Le gouvernement français d’Édouard Daladier prend la décision d’interner les ressortissants du Reich, sans tenir compte du fait que, s’ils ont fui l’Allemagne, c’est qu’ils sont des opposants à leur gouvernement. Il y a, parmi eux, une majorité d’intellectuels. Dans le sud-est, ces étrangers sont internés près d’Aix-en-Provence dans l’ancienne tuilerie des Milles, désaffectée, transformée en camp d’internement sous commandement militaire français. Les exilés essaient de fuir. Un journaliste américain, Varian Fry venu à Marseille les aidera à partir vers les États-Unis. Il organisera une filière par le Portugal, suivie par beaucoup d’entre eux, les obligeant à franchir les Pyrénées à pied. Thomas Mann et une partie de sa famille se retrouveront en Californie. Franz Werfel, Alma Mahler, Berthold Brecht également. Moïse Kisling partira lui aussi pour l’Amérique mais
Villa Les Flots, avenue Thérèse, où habita Aldous Huxley.
Villa La Ben Quihado, rond-point Stellamare, où habita René Schickelé
Villa Tranquille, chemin de La Colline, où s’est installé Thomas Mann, prix Nobel de littérature. reviendra à Sanary après la guerre où il mourra en 1953. D’autres se cachent en Provence : René Schickelé meurt à Vence en 1940 ; le peintre Walter Bondy, diabétique, meurt à Toulon la même année, faute d’avoir pu trouver les doses d’insuline dont il avait besoin pour vivre. Dans le camp des Milles, les conditions de vie sont misérables. L’écrivain Walter Hasenclever se suicide le 21 juin 1940. Franz Hessel, que sa femme, jouant de ses charmes auprès d’un officier allemand, put faire sortir du camp, mourra épuisé, à Sanary, en 1941. Quant à Lion Feuchtwanger, il réussira une évasion spectaculaire, laissant définitivement derrière lui cette cité de Sanary que le philosophe Marcuse avait qualifié de « capitale secrète de la littérature allemande ». L’énigmatique grotte fortifiée d’Aiglun du haut pays grassois est l’une des plus vastes recensées en Provence. Ses ruines s’étendent sur près de 80 mètres, le long d’une corniche, mais elles sont peu visibles depuis le village. La construction médiévale se confond avec les couleurs grises et orangées du calcaire formant l’impressionnante et vertigineuse falaise triangulaire du Giet. Ce site grandiose constituait une barrière infranchissable. L’endroit n’a pas été choisi au hasard et permettait de voir venir l’ennemi de loin. Néanmoins pourquoi avoir construit un bastion à cet endroit précis, presque perdu, loin de tous les grands axes de communication ? C’est la question que se posent les historiens et archéologues spécialistes de la région. lls ont néanmoins réussi à y répondre partiellement grâce à quelques trouvailles, comme des bouts de poteries, qui permettent de dater l’ouvrage au XIIIe siècle. Paul Courbon, ancien géomètre, passionné de spéléologie et de sites rupestres entre autres, a fait une étude de terrain détaillée sur la fortification. Elle permet d’en souligner son rôle militaire avec la présence de meurtrières et d’une surprenante barbacane, quasiment unique dans la région. Cette avancée architecturale renforçait la défense de l’ensemble de l’édifice. Sa structure aurait été modifiée au fil des menaces de chaque époque. Il semble, par exemple, que les trous orientés dans les murs ont été ajoutés pour l’utilisation d’armes à feu.
Batailles pour le contrôle du site
Le seigneur local devait redouter plusieurs ennemis. Ses richesses limitées l’ont sans doute contraint à faire construire cette forteresse par des mains peu expertes. Edmond Mari, auteur des Bâtisseurs de l’impossible, en déduit que ce sont sûrement celles de paysans de par la qualité du mortier utilisé pour joindre les moellons. La situation géographique d’Aiglun, situé entre le Royaume de Savoie et la France, faisait craindre au maître des lieux les attaques de bandes armées de l’un ou de l’autre camp, qui s’en disputait le contrôle. Lors de ces incursions belliqueuses, la vaste grotte était un parfait refuge pour les femmes, les enfants et les vieillards ainsi que pour le bétail. La partie nord de l’édifice abritait une source et une prairie très utiles en cas de siège prolongé. Les hommes vaillants devaient rester plus bas au village pour contenir le gros des assaillants. Aujourd’hui, l’accès est difficile mais relativement rapide au départ du parking d’Aiglun. Sources : Site internet de Paul Courbon : http://www.chroniques-souterraines.fr avec bibliographie des différents travaux sur le sujet.