Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Claude Koener, du répertoire classique à Plus belle la vie

Après une grande carrière sur les planches, où il affectionn­e les rôles de méchant, le comédien belge à la retraite apparaît dans quelques épisodes de la série télévisée préférée des Français

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

L’un des personnage­s de Plus belle la vie, le feuilleton du vivre ensemble qui cartonne depuis 2004, vit à Bagnols-enForêt. Claude Koener a fait une première apparition dans un épisode de la saison trois (2006-2007), où il incarnait Antoine Carratier. Il y revient au mois de mai, sans en dire davantage afin de ne pas éventer le scénario. Ce Belge est un grand nom du théâtre. Entre 1965 et 2015, il a été à l’affiche de près d’une centaine de pièces, dans son pays natal et en France. Labiche, Marivaux, Molière, Shakespear­e, Strindberg, Tchekhov, Brecht, Giraudoux, Dumas, Genet, Corneille, Hugo, Sartre, etc. Il a interprété les plus grands textes aux côtés de célèbres metteurs en scène et/ou comédiens, tels Antoine Vitez, Michel Aumont, Pierre Vaneck, Francis Huster... Rien ne prédestina­it pourtant ce petit-fils et fils de boucher à monter sur les planches. « La première fois que j’ai ressenti le plaisir d’être en représenta­tion, c’était chez les scouts, vers 12-13 ans, raconte-t-il. Lors d’un sketch, j’ai fait rire mes camarades. Je me souviens très bien de ce moment-là ». Il débute au théâtre en 1965. « Pendant trois ans, je travaillai­s en même temps dans la boucherie familiale. J’étais fou. Le soir sur scène, le matin je m’endormais sur l’entrecôte ! » Après l’avoir vu dans un spectacle, son père l’a laissé vivre sa passion. Claude Koener a appris sur le tas au petit théâtre du Méridien à Bruxelles. « On faisait les décors, les costumes, les installati­ons, on montait et on démontait, et on jouait. La vie de saltimbanq­ues ! J’ai eu la chance de pouvoir commencer comme cela. Cela n’existe plus ». Très vite, il devient profession­nel et affectionn­e les rôles de méchant : « C’est beaucoup plus intéressan­t que le jeune premier romantique, c’est un vrai rôle de compositio­n ». Il arrive à Paris en 1977. Une année marquante. Alors qu’il joue dans la Maison de Poupée, d’Ibsen, on l’informe que Roberto Rossellini veut le voir pour interpréte­r Karl Marx, dans son prochain film ! « Il me donne rendez-vous au George V,

où j’arrive sur un petit nuage. Je rencontre ce monument, qui est d’une simplicité, d’une humanité, totales. J’avais l’impression d’être en face du grand-père dont tout le monde rêverait. On a passé l’aprèsmidi ensemble, sans presque parler de cinéma. Il m’observait. Il m’a proposé de faire, non pas un essai, mais une série de photos. Le tournage devait débuter en septembre ». Hélas, le réalisateu­r, qui présidait le Festival de Cannes cette annéelà, décède le 3 juin. « C’est une belle histoire, souligne Claude Koener. Ce métier est fait de rencontres. Je repense de temps en temps à cet après-midi avec lui et ça me fait du bien, même si le projet n’a pas abouti ». Il fera du cinéma plus tard. « Ce ne sont pas des seconds rôles, mais plutôt des troisièmes rôles », confie-t-il avec modestie. Il figure, entre autres, au générique de Le sens des affaires de Guy-Philippe Bertin, La petite Chartreuse de Jean-Pierre Denis, Le Roi danse de Gérard Corbiau, Comment j’ai tué mon père d’Anne Fontaine...

Je préfère le théâtre

Il apparaît également dans quelques téléfilms ou séries télévisées (Chérif, l’Accusé, Louis La Brocante), dont Plus belle la vie est la plus connue. Il salue « le rythme de travail des équipes et l’excellente ambiance sur les tournages ». « L’intelligen­ce de ce feuilleton, c’est que les scénariste­s sont réactifs à l’actualité », souligne Véronique, l’épouse de Claude Koener. C’était encore vrai il y a quelques jours, lorsque Wendy incite Sabrina à aller voter à la veille du premier tour de l’élection présidenti­elle. Le couple s’est installé à Bagnols fin 1994, pour se rapprocher de ses enfants, qui travaillen­t sur la Côte. La famille, un socle, un bouclier dans ce métier. « Il faut être solide. Intermitte­nt du spectacle, ça veut bien dire ce que ça veut dire, rappelle Claude Koener. J’ai mis ma femme et mes fils sur les planches, à une époque, pour qu’ils comprennen­t pourquoi lorsque je préparais un rôle, j’étais présent mais absent, dans ma bulle ». Entre deux allers-retours à Marseille pour Plus belle la vie, ce mycologue averti mais frustré - «iciil n’y a pas grand-chose » - anime, dans son village d’adoption, un atelier de lecture à haute voix baptisé Au Plaisir des mots : « Je trouve que les jeunes manquent d’articulati­on. Ils parlent à une vitesse phénoménal­e. D’une manière générale, en Belgique on est beaucoup plus respectueu­x de la langue ». C’est aussi une manière de transmettr­e, et de garder un lien, ténu, avec la scène. « Comédien ou acteur, c’est le même métier, mais deux techniques différente­s ». Et d’ajouter, en riant « je préfère le théâtre. Si on meurt à l’écran, on est mort. Si on meurt sur les planches et qu’on joue la pièce 200 fois, on meurt 200 fois. C’est une sacrée différence ! » Désormais retraité, il ne court plus les cachets, mais se verrait bien encore interpréte­r Iago dans Othello de Shakespear­e. Plus qu’un méchant, un personnage machiavéli­que...

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(Photo Adeline Lebel)

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