Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« J’en ai la chair de poule »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN LARONCHE

D

ans l’histoire centenaire du cyclisme, seul Eddy Merckx a réussi pareil exploit (en ). Partager ce triplé Giro - Tour de France - championna­t du monde avec le “Cannibale”, cela en dit long sur la performanc­e extraordin­aire qu’a réalisé Stephen Roche en . Trente ans plus tard, aucun cycliste n’est parvenu à remporter ces trois épreuves. Encore moins la même année. L’Irlandais, installé dans la région depuis bientôt  ans, rembobine le film de cette incroyable année.

 ans après, vous attendiezv­ous à être le dernier à avoir réalisé ce triplé ?

C’est quand même un fait extraordin­aire. Que personne n’y parvienne, c’est un plaisir d’y croire. Hinault, Indurain, qui a été très proche d’y arriver en  (vainqueur du Giro, du Tour, e du championna­t du monde, battu par Armstrong), Fignon, Contador, ce sont des coureurs qui auraient été capables de le faire. Mais pour y parvenir, c’est aussi une question de chance, de circonstan­ces favorables. Déjà gagner le Giro et le Tour, c’est rare, mais il faut ensuite que le parcours du mondial convienne à un grimpeur. Moi, en , j’ai eu toutes les conditions réunies. En tant qu’Irlandais, je n’aime pas la chaleur. Et que ce soit sur le Giro ou le Tour il y a eu de la pluie, du froid. Et la veille des championna­ts du monde (à Villach en Autriche), il faisait  degrés, ça me “tuait”. Le jour J, il s’est mis à pleuvoir, j’ai beaucoup moins ressenti la fatigue et ça a éliminé d’autres adversaire­s.

Il faut aussi la volonté de le tenter...

C’est vrai. Mais aujourd’hui, le Tour de France a pris tellement d’importance, il y a de tels enjeux commerciau­x, que les coureurs se préparent spécifique­ment et uniquement pour le Tour. Ça a été le cas d’Armstrong, c’est aussi le choix de Froome. Et pour gagner le Giro, il faut le faire à %. Et le coureur a du mal à récupérer en trois semaines pour enchaîner avec le Tour. Surtout avec la météo extrême rencontrée depuis  ans en Italie.

Dans  ans, vous serez donc encore le dernier à avoir réalisé ce triplé...

Ce n’est pas impossible, mais les coureurs, aujourd’hui, le pensent. Mais ça me fait plaisir de voir que Quintana vise le doublé Tour-Giro cette année. C’est courageux de sa part.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile à gagner ?

Rien n’a été simple. Mais c’est sûrement le Giro qui a été le plus compliqué. Car il a fallu que je me batte contre mes adversaire­s, le temps, mais aussi certains de mes équipiers. L’équipe était divisée puisque Roberto Visentini, mon coéquipier, était le vainqueur sortant du Giro et visait aussi la victoire. Et puis, les Italiens sont très chauvins et voulaient tous qu’il gagne. Il y avait beaucoup de passion, c’est aussi pour cela qu’on aime l’Italie. Mais j’ai beaucoup souffert moralement. Ensuite, le Tour était celui de l’après-Hinault et LeMond était absent (victime d’un accident de chasse), donc ouvert. Il y avait - prétendant­s à la victoire, ça a bataillé et c’était l’un des plus longs depuis longtemps ( km, le plus long depuis ). Enfin, je suis allé sur le Mondial avec beaucoup moins de pression car je venais rouler pour Kelly. Le circuit était annoncé plat. Et à  h de la course, je me suis rendu compte qu’il y avait deux bosses à grimper  fois. Que ce serait plus compliqué que prévu. En plus, la pluie s’est mêlée à la course, je me suis dit que j’avais ma chance. Mais j’ai quand même roulé pour Kelly, je l’ai ramené sur l’échappée et j’ai gagné au sprint en partant du bon côté. C’était vraiment mon année.

A chaque fois, vous avez été le premier Irlandais...

C’est d’ailleurs considéré comme le plus grand exploit réalisé par un athlète irlandais tous sports confondus. C’est une immense fierté. Quand je suis rentré en Irlande après ma victoire sur le Tour, il y a eu une réception. Un million de personnes est venu à Dublin, alors que le pays n’en comptait que , millions.

Avez-vous beaucoup de sollicitat­ions en cette année anniversai­re ?

Enormément. Il y a même une épreuve qui a été créée pour l’occasion. Du  au  juin, il y aura “L’Etape ” (letape.com), trois étapes avec des arrivées à l’Alpe d’Huez et La Plagne (comme sur le Tour ). Je vais m’entraîner pour être en condition et je vais retrouver Pedro Delgado. Ça va être un moment très fort, j’en ai la chair de poule rien qu’à l’idée d’y penser.

Un mot sur ce Giro, quel est votre favori ?

Quintana. Nibali juste après. Et ensuite, il y a des places à prendre. Dumoulin, Pinot, qui aura moins de pression qu’au Tour, Kruijswijk sont des jeunes aux dents longues. Ils ont une occasion à saisir.

Sur le Giro, mon équipe a été divisée ” C’est considéré comme le plus grand exploit réalisé par un athlète irlandais”

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