Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Stéphane Rozès: «L’état de grâce reste à conquérir»

Le politologu­e, président de l’institut de conseil Cap, estime que le nouveau chef de l’État doit nommer un Premier ministre « technique » et mener lui-même la campagne législativ­e

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Le politologu­e Stéphane Rozès, président de Cap (Conseils, analyses et perspectiv­es), connaît bien les arcanes de l’Elysée pour avoir été l’un des « visiteurs du soir », selon la formule consacrée, du début de quinquenna­t de François Hollande. Il nous livre sa vision de la mandature qui va débuter et des défis qui attendent Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron va-t-il bénéficier d’un état de grâce ? Cela va dépendre de la nature profonde de son élection, un vote anti-Le Pen, en défense de la République, ou un vote d’adhésion. Avant le débat, on sentait percer dans l’opinion un vote anti-Le Pen, bien davantage que pro-Macron. Mais le débat a sans doute renforcé le vote d’adhésion en sa faveur. Le vote Macron est d’ampleur, mais il est légèrement altéré par l’abstention et le nombre de votes blancs et nuls, assez importants. Ce qui sera déterminan­t aussi, c’est le choix qu’il fera de mener lui-même la campagne législativ­e ou de la confier à son Premier ministre. Comme Napoléon dans les batailles dont l’issue était incertaine, il va devoir se placer en première ligne. Ceci dit, contrairem­ent à , Emmanuel Macron dispose d’une légitimité plus forte que celle de Chirac, parce qu’il a réussi à créer seul une dynamique, basée sur un vrai projet. Il est dans une situation Par

CLAUDE WEILL

plus enviable que Jacques Chirac. Mais il n’est pas non plus dans la situation de Sarkozy en . Il doit gagner ses galons et solidifier la dimension d’incarnatio­n de sa présidence. Ce qui signifie ni Fouquet’s ni présidence normale, mais hauteur et combativit­é. Contrairem­ent aux élections passées, l’état de grâce n’est pas cette fois une donnée issue de la présidenti­elle, mais il reste à conquérir aux législativ­es.

Quels vont être pour lui les principaux écueils à éviter ? Il va devoir faire récit de son action, contrairem­ent à François Hollande à son arrivée. Quand il demandera des efforts aux Français, il devra sans cesse rappeler au service de quelles population­s ils sont demandés. Il devra en second lieu articuler le redresseme­nt français et la renaissanc­e européenne. Son propos n’est viable à terme que si l’Europe parvient à se remettre en mouvement.

A sa place, quel Premier ministre, ou quel type de Premier ministre, choisiriez-vous ? Un Premier ministre consensuel, qui soit compatible à la fois avec la gauche, le centre-gauche et le centre-droit. Et un profil de Premier ministre technique, si c’est Emmanuel Macron qui choisit de se placer en première ligne aux législativ­es.

Vous avez des noms ? Non. Mais ce qui me semble le plus important, c’est que ce soit, je le répète, Emmanuel Macron qui conduise la bataille des législativ­es. Le choix du Premier ministre découlera du choix ou pas de Macron de se placer en première ligne aux législativ­es. D’ordinaire, c’est le Premier ministre qui livre cette bataille, ce qui implique que ce soit un Premier ministre politique. Dans le cas présent, Emmanuel Macron gagnerait à s’y coller lui-même, ce qui justifiera­it qu’il prenne un Premier ministre technique.

Pensez-vous qu’il puisse disposer d’une majorité propre aux législativ­es ? Ce sera lié à son engagement personnel dans cette bataille. La présidenti­elle est la clé de voûte de nos institutio­ns et c’est donc son lien direct avec le pays qui lui permettra d’obtenir une majorité, sans avoir recours à des coalitions.

Comment va-t-il pouvoir rassembler, autrement que par des mots, une France divisée ? Par le discours, toujours, et non par des coalitions. Le fondement de sa victoire a été de refuser les arrangemen­ts d’appareils. Ceux qui s’y sont livrés à gauche et à droite ont perdu.

Mais à un moment, il devra quand même prendre des décisions et deviendra forcément plus clivant… Non. Les Français l’ont élu sur un projet pour lequel ils vont, pendant quelques mois, lui faire crédit, le temps qu’il le mette en place.

Quel Président sera-t-il ? Il aura une verticalit­é et une autorité politique. Mais je crois aussi qu’il exercera un lien direct avec les Français, sans médiation. Et qu’il aura largement recours à la concertati­on quant aux modalités de mise en oeuvre des réformes, entre partenaire­s sociaux notamment.

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(Photo d’archives AFP) Stéphane Rozès incite Emmanuel Macron à ne surtout pas se retirer tout de suite sur son Aventin.
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