Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« A » comme ahurissant!
Une salle d’observation sous-marine dans la quille, une piste hélico, un mât central plus haut que Big Ben : ce yacht mouillé à Monaco est annoncé comme le plus gros de tous les temps
C’est un yacht au superlatif. Démesuré. Extravaguant. Invraisemblable. Dénommé «A». Comme «ahurissant »? Le plus grand voilier du monde, flambant neuf, mouille depuis jeudi en baie de Monaco où il a rejoint un autre « A » que les Azuréens connaissent bien. Le super yacht porte en effet le même nom que son aîné motorisé. Un double « A » historique, immortalisé par notre photographe. Ces deux navires d’exception appartiennent au même propriétaire, le milliardaire russe Andreï Melnichenko, 45 ans, 119e fortune mondiale. Pourquoi ce nom? La lettre « A» ne se référerait pas au prénom de la femme de l’oligarque, Aleksandra, mannequin serbo-croate épousé lors d’une mirifique fête au Cap d’Antibes (lire par ailleurs). Mais plutôt à un caprice : apparaître en première place des registres maritimes internationaux ! Ce trois-mâts, à la ligne discutable, mesure 143 mètres de long, près de 25 mètres de large, pour 12 700 tonnes et 8 mètres de tirant d’eau. Du jamais vu ! Depuis le dévoilement du projet, son esthétique fait polémique dans le milieu du nautisme. Comme le « Motor Yacht A», il a été dessiné par Philippe Starck, dont on reconnaît la patte avant-gardiste. Le mât central (étonnamment incurvé, comme les deux autres) culmine à cent mètres au-dessus du niveau de la mer, plus grand que Big Ben, plus du double de la statue de la Liberté! Lorsqu’il navigue dans certaines zones, notamment à proximité des aéroports internationaux comme celui de Nice, le yacht est si haut qu’il doit aviser le contrôle aérien pour éviter tout accident… À 60 mètres de hauteur – selon le magazine Boat International, qui a publié un reportage très renseigné – se trouve un poste d’observation qui peut accueillir un membre d’équipage, avec une vue qu’on imagine à couper le souffle. De l’extérieur, rien ne dépasse, ni bittes d’amarrage, ni éléments de ponts disgracieux. Ils sont astucieusement camouflés derrière des panneaux amovibles. À l’intérieur, tout est à l’avenant. Une vingtaine de cabines réparties sur huit ponts reliés par une batterie d’ascenseurs. En tout, 54 membres d’équipage s’activent pour une petite douzaine d’invités. Le yacht comprend des salles de gym et un spa avec piscine. Des garages sont prévus pour les annexes, mais aussi pour le sous-marin embarqué. À la proue, un héliport permet d’acheminer les VIP. Comble de tout, flirtant avec les limites de l’impensable : une salle d’observation sousmarine de 18 m2 installée dans la quille équipée de trois grands hublots elliptiques ! Le poids du verre a été réduit de 50 % grâce à des techniques révolutionnaires. Mais pas de quoi rassurer les assureurs. Il a donc été procédé à des essais dans le lac de Constance par 120 mètres de profondeur ! Puisque c’est un voilier, intéressons-nous au pari le plus improbable : faire avancer une telle superstructure à la force du vent. Les trois mâts peuvent déployer 3747 m2 de voilure. La grande voile, à elle seule, mesure 1464 m2, conçue d’un seul tenant par l’entreprise américaine Doyle Sailmakers, en fibre de carbone. Toutes les voiles sont recouvertes d’une protection anti-UV. Pas besoin d’équipage, une simple pression sur un bouton permet de les déployer. Les mâts, en carbone, sont également commandés à distance. Ils peuvent pivoter de 70 degrés pour optimiser leurs performances par rapport à l’angle du vent. Construits par Magma Structures de Portsmouth, ils offrent deux fois et demie plus de résistance que les
ailes d’un avion de ligne. De quoi résister, avec toute la « garde-robe » déployée, à des rafales de 167 km/h, soit un ouragan de force 12 ! Le bateau est prévu pour avancer à 16 noeuds en vitesse de croisière, et 21 noeuds au maximum. Côté moteurs, la propulsion est à la fois diesel et électrique. Reste à connaître le prix de l’exception. Il se murmure que le « Sailing Yacht A » a coûté la bagatelle de… 417 millions d’euros. Mais en la matière, de nombreuses estimations circulent, certaines dépassant le demi-milliard d’euros. Le « A » arrive tout droit de Gibraltar, où il a rencontré une petite mésaventure après avoir été livré à son propriétaire en février. Il a en effet été saisi quelques jours par les autorités à la demande du chantier allemand Nobiskrug. Ce dernier réclamait au milliardaire 15,3 millions d’euros (dont des intérêts) afin de payer les sous-traitants. Un « détail », vite réglé par Andreï Melnichenko…
Si haut qu’il doit aviser le contrôle aérien” Une salle d’observation sous-marine dans la quille”