Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
: quand la forêt varoise est victime des locomotives...
Quelle est la cause de cette augmentation des incendies de forêt ? L’Illustration fait son analyse : « Cet accroissement des superficies détruites s’explique en grande partie par la disparition des cultures qui occupaient autrefois les massifs, opposant à la marche des flammes des obstacles infranchissables. Par contre, la malveillance, si souvent suspectée, est une des causes les moins fréquentes du feu de forêt. Une statistique, portant sur 70 sinistres ayant affecté la surface forestière de l’Esterel et la moitié orientale des Maures, en 1927, 1928 et 1929, conclut que pour 40 % d’incendies, l’origine a été nettement établie et pour 60 %, l’origine est demeurée inconnue. Sur les 40 % des causes reconnues, la malveillance figure pour 0, l’imprudence pour 6 % ». Mais, dans cette enquête, apparaît, pour 34 %, une cause disparue aujourd’hui : les locomotives à charbon. « En Provence, le chemin de fer traverse obligatoirement la forêt, longe des jardins souvent encombrés de bois mort. Une escarbille tombe, le vent souffle : c’est un sinistre aux conséquences incalculables. Cet été même, un incendie a été déterminé par des escarbilles tombées dans un fourré d’essences résineuses, à l’extrémité d’une propriété sise en bordure de la voie. Le feu, parti, a dévasté toute une région de Boulouris au Dramont. » Le journaliste de L’Illustration, François Crucy, qui s’est rendu sur place, a pu observer l’imprudence des visiteurs : « Un jour, un sous-secrétaire d’État, des sénateurs, des députés, des conseillers généraux viennent étudier sur place les moyens que proposent les techniciens pour combattre le feu. À un moment, un parlementaire tend son étui à cigares au conservateur : — Merci, fait celui-ci, forêt. — Ah ! vous avez raison, monsieur le conservateur ! Et le parlementaire rangea son étui… » pas dans la
En reconnaissance à bicyclette
Le journaliste de L’Illustration met aussi en cause la lenteur des secours : « Un matin du mois d’août dernier, à 9 h, un guetteur du poste de signalisation du Grand-Courrent, au sud du Muy, distingue au loin une fumée. Il pointe son viseur. Lorsque celui-ci est sur l’alignement de la fumée, il relève le chiffre du centimètre (rouge) auquel correspond le viseur et, saisissant l’appareil téléphonique à portée de sa main, il annonce ce chiffre au bureau de l’inspecteur des eaux et forêts duquel relève le poste… L’officier forestier alerte le maire de la commune. Le maire cherche un homme inoccupé, disposant d’une bicyclette, et l’envoie en reconnaissance. L’homme revient une heure et demie plus tard. Le maire s’efforce alors de rassembler quelques sauveteurs. Une demiheure ou trois quarts d’heure plus tard, il en a trouvé cinq ou six. Le lieu du sinistre est à 4 kilomètres de là. Tel s’y rend à pied, tel à bicyclette. Quand les cinq ou six hommes sont enfin sur place, il y a beau temps que le feu a gagné du champ !… » Bien sûr, les législateurs ne sont pas restés les bras croisés, et, en 1893, ont promulgué une loi dont L’Illustration rappelle l’article 9, toujours en vigueur : « Tout propriétaire d’un terrain en nature de bois, forêt ou lande peuplée de mort bois... pourra être contraint… à l’entretien d’une tranchée en parfait état de débroussaillement. » L’Illustration milite pour l’instauration de lignes pare-feu : « La ligne ‘’parafeu’’ est utile pour la mise en oeuvre du contre-feu… Lorsque la loi de 1924, en son article 5, parle des travaux de défense, c’est à l’établissement de ce vaste système qu’elle fait allusion… » Un dispositif antifeu, dont il est alos urgent de faire la promotion.