Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La fin de vie pour la première fois devant le Conseil constituti­onnel

Une question prioritair­e de constituti­onnalité (QPC) concernant le rôle du médecin dans la fin de vie des personnes ne pouvant exprimer leurs voeux sera examinée aujourd’hui

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Le dossier brûlant de la fin de vie arrive pour la première fois devant le Conseil constituti­onnel qui se penche, aujourd’hui, sur l’arrêt des traitement­s des patients incapables d’exprimer leur volonté. Les Sages ont été saisis par l’Union nationale des associatio­ns de familles de traumatisé­s crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC). Elle déplore que l’arrêt des traitement­s d’un patient incapable de s’exprimer et qui n’a pas laissé de directive incombe actuelleme­nt aux seuls médecins. Et réclame que les proches soient davantage associés à la décision. « Nous estimons que la décision de vivre ou de ne pas vivre n’appartient pas aux seuls médecins et que l’avis de la famille doit être intégré dans cette décision », explique à la secrétaire générale de l’UNAFTC, Suzanne Aubert, confirmant une informatio­n du Figaro. L’associatio­n a déposé une question prioritair­e de constituti­onnalité (QPC), dans le cadre d’un recours devant le Conseil d’État. Elle sera examinée ce matin par le Conseil constituti­onnel, qui se prononcera sous dix à quinze jours.

Le législateu­r contourné ?

Dans le viseur de l’UNAFTC, un décret d’applicatio­n de la loi ClaeysLeon­etti sur la fin de vie, votée début 2016. Ce décret du 3 août 2016 stipule notamment que «la décision [...] d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l’issue de la procédure collégiale » (concertati­on avec l’équipe de soins et avis d’un médecin consultant). L’UNAFTC et ses conseils contestent le fait que ces modalités figurent dans un décret (rédigé par le gouverneme­nt) et non dans la loi elle-même. « Dans une matière qui touche au droit à la vie, le législateu­r aurait dû prendre ses responsabi­lités et organiser lui-même cette procédure collégiale », assure l’avocat de l’UNAFTC, Me François Molinié. Le Conseil constituti­onnel devra dire si le décret est conforme à la Constituti­on. En cas de réponse négative, la loi pourrait à terme être réécrite, selon Me Molinié. Ces questions sont au coeur de deux cas emblématiq­ues : celui de Vincent Lambert et de la petite Marwa. Le sort de Vincent Lambert, dans un état végétatif depuis un accident de la route en 2008, n’est toujours pas tranché : sa femme et ses parents s’opposent sur l’arrêt de ses soins. Dans l’autre affaire, le Conseil d’État a ordonné en mars la poursuite des traitement­s d’une petite fille lourdement handicapée d’un an et demi, Marwa, contre l’avis des médecins auxquels s’opposaient les parents. « La loi Claeys-Leonetti a été votée après l’affaire Lambert, or elle ne règle pas la situation des personnes qui ne peuvent pas exprimer leur souhait », fait valoir Me Molinié.

« Médiation » et « consensus »

Il suggère l’introducti­on dans la loi d’un dispositif de « médiation » en cas de conflit afin que le médecin ne soit pas « juge et partie ». Autre souhait de l’UNAFTC, l’instaurati­on d’un « vrai processus collégial » dans la prise de décision, associant les proches. « Nous souhaitons que, quand il y a une incertitud­e dans ce que demande la personne, on atteigne un consensus », souligne l’avocat. Ce processus soulève toutefois une difficulté illustrée par l’affaire Vincent Lambert : qui, dans l’entourage du patient, peut être qualifié de proche susceptibl­e d’être associé à la décision? Ce point-là aurait aussi dû être abordé par la loi, selon Me Molinié. Promulguée le 2 février 2016, la loi Claeys-Leonetti prévoit notamment un « droit à la sédation profonde et continue » jusqu’à la mort pour certaines personnes et rend contraigna­ntes les « directives anticipées », par lesquelles chacun peut faire connaître son refus d’un acharnemen­t thérapeuti­que. Elle n’autorise pas l’euthanasie et le suicide assisté. Cette loi complète la loi Leonetti de 2005, qui instaurait le droit « de limiter ou d’arrêter un traitement inutile, disproport­ionné ou n’ayant d’autre objet que la seule prolongati­on artificiel­le de la vie ».

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(Photo Conseil constituti­onnel) C’est une première dans ses annales. Le Conseil constituti­onnel va se pencher, aujourd’hui, sur la reconnaiss­ance d’un droit à la vie et au respect de la vie.

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