Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le bon usage de Trump

- CLAUDE WEILL

Que se sont-ils dit ? On l’apprendra bientôt, par bribes. Mais la façon dont Emmanuel Macron a évoqué, en termes choisis, ses discussion­s « franches » et « pragmatiqu­es » avec Donald Trump suggèrent que les échanges ne se sont pas limités à des amabilités de circonstan­ces. Peut-être le ton a-t-il été donné par cette poignée de mains longue et virile, abondammen­t commentée par les médias américains – car aux Etats-Unis, même la manière si particuliè­re qu’à Trump de serrer la main est devenue matière à commentair­es – et qui tenait plus du bras de fer que du shake hand mondain.

Difficile de trouver plus différents que ces deux-là, l’un aussi sophistiqu­é et charmeur que l’autre est brutal et simpliste. Et surtout plus opposés sur la plupart des dossiers internatio­naux. Sans caricature­r, et pour s’en tenir aux positions défendues par Trump dans la campagne américaine: libre-échangisme contre protection­nisme ; multilatér­alisme contre isolationn­isme ; europhilie contre europhobie. Sans compter les désaccords sur des questions essentiell­es, tant diplomatiq­ues (relations avec l’Iran), que militaires (fonctionne­ment de l’Otan) et climatique­s (Trump avait promis d’« annuler » l’accord de Paris). Sur l’ensemble de ces sujets, Paris – et pas seulement Paris, mais l’ensemble des dirigeants européens, autant que les responsabl­es de l’Union et de l’Otan – attendaien­t que le séjour bruxellois de Trump permette de clarifier les positions américaine­s et de dissiper un peu les interrogat­ions et les craintes semées par le président

des Etats-Unis. Certes, depuis quelques mois, les relations transatlan­tiques se sont quelque peu « normalisée­s », au fil des revirement­s et des reculs de l’hôte de la Maison-Blanche. L’Organisati­on du Traité de l’Atlantique Nord n’est plus « obsolète ». Bruxelles n’est plus un « trou à rat ». Il ne parie plus sur la désintégra­tion de « l’Europe allemande » et estime même désormais que le Brexit, qui l’avait ravi, pourrait bien être une mauvaise affaire pour l’économie US. Il réserve, pour le moment, sa décision quant à la participat­ion des Etats-Unis à l’accord sur le climat. Il n’a toujours pas mis à exécution ses menaces de taxer les importatio­ns de produits mexicains et canadiens, ni fermé définitive­ment la porte à une reprise des

discussion­s sur le TAFTA. Et concernant l’avenir de l’OTAN et du principe d’assistance mutuelle, le vice-président Pence a tenu des propos rassurants. En somme, et le profession­nalisme de l’administra­tion américaine, y est pour beaucoup, le démagogue populiste a peut-être commencé à se muer en président des EtatsUnis. Ou tout simplement, se heurtant au principe de réalité, a-t-il mesuré le fossé qui existe entre des slogans de campagne et des politiques réalistes. A l’épreuve des faits, la « doctrine Trump », si on peut la nommer ainsi, mélange d’égoïsme national, de culte de la force et de mépris des institutio­ns internatio­nales, n’est simplement pas viable. Car il n’est pas concevable – ni souhaitabl­e

pour elle-même – que la première puissance économique et militaire s’exonère de ses responsabi­lités dans la gouvernanc­e mondiale. Mais la méfiance reste. Elle tient d’abord à la personne de Trump, que la plupart des dirigeants occidentau­x (et beaucoup d’Américains, jusqu’au coeur de son administra­tion) jugent peu fiable : irréfléchi, imprévisib­le, impulsif, peu au fait des dossiers. Bref, pas au niveau. Sans parler des menaces qui rôdent déjà autour d’une Maison-Blanche cernée par les « affaires ». En attendant, il est président des Etats-Unis, et il faut bien faire avec. Comme le dit un diplomate français du premier cercle, « la question n’est pas tant de savoir quelle est la pensée de Trump sur tel ou tel sujet, mais s’il en a vraiment une. Alors ne nous bloquons pas là-dessus. Profitons plutôt de cette période de carence du leadership américain pour faire avancer nos solutions, pour la France et pour l’Europe. »

L’Organisati­on du Traité de l’Atlantique Nord n’est plus « obsolète ». Bruxelles n’est plus un « trou à rat. »

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