Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le bon usage de Trump
Que se sont-ils dit ? On l’apprendra bientôt, par bribes. Mais la façon dont Emmanuel Macron a évoqué, en termes choisis, ses discussions « franches » et « pragmatiques » avec Donald Trump suggèrent que les échanges ne se sont pas limités à des amabilités de circonstances. Peut-être le ton a-t-il été donné par cette poignée de mains longue et virile, abondamment commentée par les médias américains – car aux Etats-Unis, même la manière si particulière qu’à Trump de serrer la main est devenue matière à commentaires – et qui tenait plus du bras de fer que du shake hand mondain.
Difficile de trouver plus différents que ces deux-là, l’un aussi sophistiqué et charmeur que l’autre est brutal et simpliste. Et surtout plus opposés sur la plupart des dossiers internationaux. Sans caricaturer, et pour s’en tenir aux positions défendues par Trump dans la campagne américaine: libre-échangisme contre protectionnisme ; multilatéralisme contre isolationnisme ; europhilie contre europhobie. Sans compter les désaccords sur des questions essentielles, tant diplomatiques (relations avec l’Iran), que militaires (fonctionnement de l’Otan) et climatiques (Trump avait promis d’« annuler » l’accord de Paris). Sur l’ensemble de ces sujets, Paris – et pas seulement Paris, mais l’ensemble des dirigeants européens, autant que les responsables de l’Union et de l’Otan – attendaient que le séjour bruxellois de Trump permette de clarifier les positions américaines et de dissiper un peu les interrogations et les craintes semées par le président
des Etats-Unis. Certes, depuis quelques mois, les relations transatlantiques se sont quelque peu « normalisées », au fil des revirements et des reculs de l’hôte de la Maison-Blanche. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord n’est plus « obsolète ». Bruxelles n’est plus un « trou à rat ». Il ne parie plus sur la désintégration de « l’Europe allemande » et estime même désormais que le Brexit, qui l’avait ravi, pourrait bien être une mauvaise affaire pour l’économie US. Il réserve, pour le moment, sa décision quant à la participation des Etats-Unis à l’accord sur le climat. Il n’a toujours pas mis à exécution ses menaces de taxer les importations de produits mexicains et canadiens, ni fermé définitivement la porte à une reprise des
discussions sur le TAFTA. Et concernant l’avenir de l’OTAN et du principe d’assistance mutuelle, le vice-président Pence a tenu des propos rassurants. En somme, et le professionnalisme de l’administration américaine, y est pour beaucoup, le démagogue populiste a peut-être commencé à se muer en président des EtatsUnis. Ou tout simplement, se heurtant au principe de réalité, a-t-il mesuré le fossé qui existe entre des slogans de campagne et des politiques réalistes. A l’épreuve des faits, la « doctrine Trump », si on peut la nommer ainsi, mélange d’égoïsme national, de culte de la force et de mépris des institutions internationales, n’est simplement pas viable. Car il n’est pas concevable – ni souhaitable
pour elle-même – que la première puissance économique et militaire s’exonère de ses responsabilités dans la gouvernance mondiale. Mais la méfiance reste. Elle tient d’abord à la personne de Trump, que la plupart des dirigeants occidentaux (et beaucoup d’Américains, jusqu’au coeur de son administration) jugent peu fiable : irréfléchi, imprévisible, impulsif, peu au fait des dossiers. Bref, pas au niveau. Sans parler des menaces qui rôdent déjà autour d’une Maison-Blanche cernée par les « affaires ». En attendant, il est président des Etats-Unis, et il faut bien faire avec. Comme le dit un diplomate français du premier cercle, « la question n’est pas tant de savoir quelle est la pensée de Trump sur tel ou tel sujet, mais s’il en a vraiment une. Alors ne nous bloquons pas là-dessus. Profitons plutôt de cette période de carence du leadership américain pour faire avancer nos solutions, pour la France et pour l’Europe. »
L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord n’est plus « obsolète ». Bruxelles n’est plus un « trou à rat. »