Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Agence «charia compatible»: polémique au coeur de Nice
Une société de « financement islamique » va ouvrir boulevard Carnot à Nice. Elle propose des placements « halal » et intégrera une salle de culte. La mairie refuse la pose d’une enseigne
Des produits financiers «100 % halal», des assurances vie « charia compatibles ». Voilà ce que va proposer dans quelques semaines l’agence NoorAssur qui ouvrira au 8, boulevard Carnot à Nice. Une ouverture qui ne va pas sans grincement de dents. La mairie, qui ne peut s’opposer à l’installation de l’agence, a refusé le panneau « NoorAssur finance islamique » qui devait orner la façade. « La mairie nous interdit de mettre l’enseigne au prétexte que cela peut créer un trouble à l’ordre public », proteste Sonia Mariji, créatrice de ce réseau qui compte six implantations en France. « Les Niçois ne sont pas racistes, je suis profondément persuadée qu’ils feront la part des choses. » La mairie, elle, s’oppose fermement. «La jurisprudence nous a confirmé que la terminologie “Finance Islamique” pourrait conduire à des troubles à l’ordre public, mettant en danger tant le personnel que les clients de l’établissement, notamment en raison de l’attentat du 14 juillet 2016 qui a touché la ville de Nice », indique la mairie à notre titre. Elle s’appuie sur deux faits. La vitrine de l’agence de Nantes (Loire-Atlantique), de la même enseigne, qui avait été brisée, et des menaces de mort sur celle de Chelles (Seine-et-Marne). « La terminologie de cette enseigne “Finance islamique”, c’est-à-dire respectant les principes de la charia, représente clairement une marque de communautarisme, que la ville de Nice refuse sur son territoire et contre lequel elle s’est toujours battue. Il n’existe pas de Finance chrétienne ou de Finance judaïque ; cette enseigne cible une partie spécifique de la population », conclut la mairie. De son côté, Sonia Mariji souligne que l’attentat a également tué des musulmans et n’y voit aucune finance « communautaire », mais « affinitaire », précise-t-elle. Le financement islamique n’est pas une nouveauté. Il existe depuis les années 1970. Il entend proposer des produits financiers compatibles avec la pratique de l’islam. Ce financement se veut conforme au Coran qui interdit tout particulièrement les intérêts, mais aussi les investissements à hauts risques comme les subprimes. Il ne place pas son argent dans l’armement, le tabac, la pornographie, l’alcool ou dans un commerce ayant un rapport avec le porc.
« Ça va faire jaser »
Boulevard Carnot, hier, des ouvriers s’affairaient sur la façade de l’agence ou apparaît encore le nom de l’ancienne entreprise de décoration qui occupait les lieux. Dans le quartier, peu sont au courant de la destination future des locaux. Lorsque nous leur apprenons, la nouvelle en fait bondir certains. « À quelques mètres de la Promenade où il y a eu tant de morts dans un attentat, à cent mètres d’une église, dans un quartier classé où on ne peut pas faire ce qu’on veut en façade de son magasin, on va tolérer ça ?», s’insurge avec colère un commerçant voisin. Umberto Porreca, le patron du bar-tabac Le Carnot, situé presque en face, est plus mesuré. «Même si ça me dérangeait, je ne pourrais rien faire si l’ouverture a été acceptée par les autorités. Si le voisinage se passe bien, ce n’est pas un problème. Mais je pense qu’une partie de mes clients va être heurtée. Ça va faire jaser en tout cas, sourit-il. Sonia Mariji n’en démord pas et se dit prête à aller jusqu’au Conseil d’État pour obtenir son enseigne. La fondatrice de NoorAssur entend bien ouvrir dès que possible, et évoque le recrutement de six à dix salariés.