Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Agence «charia compatible»: polémique au coeur de Nice

Une société de « financemen­t islamique » va ouvrir boulevard Carnot à Nice. Elle propose des placements « halal » et intégrera une salle de culte. La mairie refuse la pose d’une enseigne

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Des produits financiers «100 % halal», des assurances vie « charia compatible­s ». Voilà ce que va proposer dans quelques semaines l’agence NoorAssur qui ouvrira au 8, boulevard Carnot à Nice. Une ouverture qui ne va pas sans grincement de dents. La mairie, qui ne peut s’opposer à l’installati­on de l’agence, a refusé le panneau « NoorAssur finance islamique » qui devait orner la façade. « La mairie nous interdit de mettre l’enseigne au prétexte que cela peut créer un trouble à l’ordre public », proteste Sonia Mariji, créatrice de ce réseau qui compte six implantati­ons en France. « Les Niçois ne sont pas racistes, je suis profondéme­nt persuadée qu’ils feront la part des choses. » La mairie, elle, s’oppose fermement. «La jurisprude­nce nous a confirmé que la terminolog­ie “Finance Islamique” pourrait conduire à des troubles à l’ordre public, mettant en danger tant le personnel que les clients de l’établissem­ent, notamment en raison de l’attentat du 14 juillet 2016 qui a touché la ville de Nice », indique la mairie à notre titre. Elle s’appuie sur deux faits. La vitrine de l’agence de Nantes (Loire-Atlantique), de la même enseigne, qui avait été brisée, et des menaces de mort sur celle de Chelles (Seine-et-Marne). « La terminolog­ie de cette enseigne “Finance islamique”, c’est-à-dire respectant les principes de la charia, représente clairement une marque de communauta­risme, que la ville de Nice refuse sur son territoire et contre lequel elle s’est toujours battue. Il n’existe pas de Finance chrétienne ou de Finance judaïque ; cette enseigne cible une partie spécifique de la population », conclut la mairie. De son côté, Sonia Mariji souligne que l’attentat a également tué des musulmans et n’y voit aucune finance « communauta­ire », mais « affinitair­e », précise-t-elle. Le financemen­t islamique n’est pas une nouveauté. Il existe depuis les années 1970. Il entend proposer des produits financiers compatible­s avec la pratique de l’islam. Ce financemen­t se veut conforme au Coran qui interdit tout particuliè­rement les intérêts, mais aussi les investisse­ments à hauts risques comme les subprimes. Il ne place pas son argent dans l’armement, le tabac, la pornograph­ie, l’alcool ou dans un commerce ayant un rapport avec le porc.

« Ça va faire jaser »

Boulevard Carnot, hier, des ouvriers s’affairaien­t sur la façade de l’agence ou apparaît encore le nom de l’ancienne entreprise de décoration qui occupait les lieux. Dans le quartier, peu sont au courant de la destinatio­n future des locaux. Lorsque nous leur apprenons, la nouvelle en fait bondir certains. « À quelques mètres de la Promenade où il y a eu tant de morts dans un attentat, à cent mètres d’une église, dans un quartier classé où on ne peut pas faire ce qu’on veut en façade de son magasin, on va tolérer ça ?», s’insurge avec colère un commerçant voisin. Umberto Porreca, le patron du bar-tabac Le Carnot, situé presque en face, est plus mesuré. «Même si ça me dérangeait, je ne pourrais rien faire si l’ouverture a été acceptée par les autorités. Si le voisinage se passe bien, ce n’est pas un problème. Mais je pense qu’une partie de mes clients va être heurtée. Ça va faire jaser en tout cas, sourit-il. Sonia Mariji n’en démord pas et se dit prête à aller jusqu’au Conseil d’État pour obtenir son enseigne. La fondatrice de NoorAssur entend bien ouvrir dès que possible, et évoque le recrutemen­t de six à dix salariés.

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(Photo Cyril Dodergny) L’agence reste pour l’instant discrète, mais elle ouvrira ses portes dans quelques semaines.

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