Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Cellule de Cannes-Torcy : l’amnésie d’un témoin clé

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n trou noir » : l’ex-compagne d’un accusé, témoin clé au procès de la filière djihadiste de Cannes-Torcy qui avait dénoncé son conjoint pour un projet d’attentat, était, hier, « vraiment désolée » de ne se souvenir de rien, au grand dam de l’accusation. « Depuis un accident de voiture en 2015, j’ai un trou noir, un blocage complet sur cette période de ma vie », casher de Sarcelles, près de Paris. Le témoignage de Magali T. marque « un tournant » dans l’enquête sur une filière considérée par les policiers comme « le chaînon manquant » entre la tuerie du djihadiste toulousain Mohamed Merah en mars 2012 et les attentats de 2015 à Paris.

« C’est la peur »

Le président Philippe Roux essaie de l’aider, lui rappelle qu’elle avait avorté trois mois après son « mariage » avec Maher Oujani. « Oui, j’ai perdu le bébé. Avorté? Peut-être, je ne me souviens pas », répond la jeune femme, cheveux noués sous un fichu. « Vous avez dit aux enquêteurs que M. Oujani voulait aller dans une caserne et tuer des soldats. – Je ne me souviens pas. – Qu’il était rentré une nuit de Marseille avec un fusil-mitrailleu­r, qui a d’ailleurs été retrouvé chez un autre accusé… – Le choc traumatiqu­e a tout effacé. Si je l’ai dit, ça devait être vrai… » Cuisinée par une avocate des parties civiles, elle reconnaît n’avoir jamais été hospitalis­ée après son accident de voiture, affirme avoir vu un psychologu­e mais n’est pas en mesure de fournir un certificat. « Si je résume, c’est ce qu’on appelle une amnésie diplomatiq­ue », lance l’avocat général, Sylvie Kachaner. Face aux dénégation­s de Magali T., elle poursuit : « Cette amnésie porte un nom, c’est la peur. Dites-le si vous avez peur, on ne vous accablera pas ». Rien à faire. De l’accusation à la défense, personne ne semble la croire. Mais la jeune femme s’accroche à son amnésie comme à une bouée, presque au bord des larmes, même quand une avocate lui rappelle qu’elle a prêté serment et pourrait être poursuivie pour faux témoignage. « Un peu en colère », l’avocate de Maher Oujani lui explique qu’elle avait « 39 questions » à lui poser. Sans jamais obtenir de réponse, Me Daphné Pugliesi relève des inexactitu­des dans ses déclaratio­ns, s’étonne qu’il y ait eu autant de vidéos de propagande islamiste « en français » dans les ordinateur­s saisis au domicile commun, alors que Maher Oujani est surtout arabophone. Oujani, qui encourt 20 ans de réclusion criminelle, a toujours nié avoir acheté une arme à Marseille ou nourrir un quelconque projet djihadiste. L’avocat général lui fait alors remarquer que des écoutes téléphoniq­ues montrent qu’après son arrestatio­n, même « depuis la Syrie, on se préoccupe de [son] sort ». «Vous êtes un V.I.P.» Le procès se tient jusqu’au 21 juin. 1. Vingt hommes, suspectés d’appartenir à cette filière djihadiste­s, sont jugés pour attentat, pour des projets d’attaque notamment contre des militaires et des départs en Syrie.

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