Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Un ouvrier handicapé humilié par son chef sur le camp de Canjuers
Devant le tribunal correctionnel de Draguignan, quatre mois de prison avec sursis ont été infligés hier à un homme de 56 ans, pour des faits de harcèlement et de violences sans incapacité sur une personne vulnérable, entre début 2013 et novembre 2015, sur le camp militaire de Canjuers. Il était reproché au prévenu, en tant qu’ancien chef des gardiens de l’entrée du camp, d’avoir multiplié les brimades et les humiliations, à l’encontre de l’un de ses jeunes subordonnés. Atteint de trisomie 21, celui-ci avait bénéficié au titre de son handicap d’un emploi réservé, dans ce service tenu par des civils, ouvriers d’État.
Le prévenu dénonce un complot
Les faits ont été largement contestés par le prévenu, qui a soutenu que les témoignages recueillis auprès des autres gardiens relevaient d’une conspiration, dans le cadre du travail. « Ils se sont concertés et ont manipulé Patrice pour raconter des choses abominables sur moi. » Mis en confiance par le chef de la communauté de brigades de gendarmerie, le jeune handicapé était parvenu à lui raconter qu’il avait été victime de lancer de couteau, alors qu’il était collé à une porte, ou encore qu’il avait été poursuivi par son chef, armé d’un lance-flammes improvisé avec une bombe d’insecticide et un briquet. Et aussi qu’il l’affublait de sobriquets faisant référence à son handicap, comme « treize économique » ou « 21, parce que trois fois 7, 21 ». Cinq gardiens ont confirmé les dires du jeune homme, certains affirmant même en avoir été témoins.
Un traumatisme encore présent
Un examen psychologique a conclu que Patrice avait vécu des scènes de cruauté, qui avaient eu un retentissement psychique très important. «Le soir, des fois, il m’en reparle», a témoigné le père du jeune homme. «Un lien de maître à esclave s’est instauré pendant des années dans le huis clos du camp, avec ce subalterne qu’il considérait comme stupide», a résumé Me Juliette Bouzereau, aux intérêts du jeune homme. L’avocate a livré au tribunal son sentiment profond : « C’est un délit qui touche mon humanité. Quand on touche Patrice, on me touche aussi, parce qu’il ne peut pas se défendre. Au nom du respect que l’on se doit à tous, dans nos fragilités.» Avant de requérir huit mois de prison avec sursis, le procureur Guy Bouchet a fait le même constat sur la vulnérabilité de la victime. «Une personne qui selon l’expert n’a non seulement pas la capacité de se défendre, mais pas non plus les moyens de communiquer pour se plaindre. » En défense, le bâtonnier Yves Rosé a engagé le tribunal à prendre les déclarations et témoignages avec réserve: « En quinze ans, personne n’a jamais rien signalé ou n’a incriminé Christian, toujours très bien noté par le chef du camp. » Au final, il a estimé que dans cette affaire, l’autorité militaire avait failli. Le tribunal a partiellement relaxé Christian pour certaines paroles humiliantes, mais l’a condamné pour harcèlement et pour violences.