Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Volonté « jupitérienne »
« Un organisme de plus à ajouter aux autres, une feuille à ajouter au mille-feuilles ? »
C’était une promesse de campagne présidentielle d’Emmanuel Macron : la création d’une « taskforce » chargée de la lutte antiterroriste. Inutile de dire que les récents attentats de Manchester et de Londres, l’attaque, avant-hier, d’un policier devant le parvis de Notre-Dame à Paris – un des endroits le plus touristiques du monde –, ont renforcé son intention de mettre sur pied, auprès de lui, rapidement comme il s’y était engagé, un nouvel organisme chargé de coordonner tous les services chargés des renseignements et plus précisément de la lutte contre Daesh. Il faut dire qu’à l’heure actuelle, l’action antiterroriste dépend de tellement de Conseils, de Directions et autres instances qu’on s’y perd : une bonne dizaine en tout, de la DGSE à la DGSI, des services de contre- espionnages aux institutions de défense, de la sécurité territoriale aux renseignements militaires. Les responsables, eux-mêmes, ont tendance à s’y perdre aussi, tant est grand le risque qu’entre ces différentes instances, la communication passe mal, soit que chacun veuille garder jalousement ses secrets, soit que tel service dépende du Premier ministre et tel autre du ministère de la Défense. Voilà pourquoi ce nouveau Centre national du contre-terrorisme sera placé auprès du président de la République et dirigé par Pierre Bousquet de Florian, pour coordonner toutes les informations détenues par les organismes compétents. Un organisme de plus à ajouter aux autres, une feuille à ajouter au millefeuilles ? C’est le risque, en effet, mais c’est loin d’être le but du président de la République qui veut auprès de lui une coordination efficace, quitte a réorganiser, s’il le faut, tel ou tel Conseil ou comité. Siégeront donc en permanence, à l’Elysée une vingtaine de personnes, pour le moins, chargés du pilotage stratégique de la lutte antiterroriste. Ce n’est pas par hasard, ou par caprice, qu’Emmanuel Macron a décidé de placer auprès de lui cette task-force, analogue au National Security Council américain. Il juge d’abord que la sécurité est une des préoccupations essentielles des Français, sinon la première d’entre elles et qu’il est nécessaire que ces affaires- là se traitent à son niveau, par une action organisée, la plus rapide possible, sans temps perdu en négociations entre chefs de service. Le Président a une autre idée derrière la tête. On se souvient que, pendant sa campagne, ses adversaires politiques ont insisté sur son défaut de connaissance des fonctions baptisées régaliennes. Sur la défense, la sécurité, la justice, il n’était pas crédité de quelque compétence. Voilà pourquoi il lui paraît nécessaire aujourd’hui de montrer que, conformément à ce que les Français attendent, il est bien décidé à se mouler complétement dans l’habit d’un président de la République. « Régalien », il est bien disposé à l’être, et plutôt deux fois qu’une. Reste à savoir si cette entreprise, vaste et nécessaire, de mise en commun de toutes les informations nécessaires à assurer la sécurité du pays, affirmera une efficacité plus grande qu’elle n’a déjà et si la volonté « jupitérienne » d’Emmanuel Macron suffira à triompher des divisions historiques qui fractionnent depuis des années les services de l’Etat.