Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Volonté « jupitérien­ne »

- Par MICHÈLE COTTA

« Un organisme de plus à ajouter aux autres, une feuille à ajouter au mille-feuilles ? »

C’était une promesse de campagne présidenti­elle d’Emmanuel Macron : la création d’une « taskforce » chargée de la lutte antiterror­iste. Inutile de dire que les récents attentats de Manchester et de Londres, l’attaque, avant-hier, d’un policier devant le parvis de Notre-Dame à Paris – un des endroits le plus touristiqu­es du monde –, ont renforcé son intention de mettre sur pied, auprès de lui, rapidement comme il s’y était engagé, un nouvel organisme chargé de coordonner tous les services chargés des renseignem­ents et plus précisémen­t de la lutte contre Daesh. Il faut dire qu’à l’heure actuelle, l’action antiterror­iste dépend de tellement de Conseils, de Directions et autres instances qu’on s’y perd : une bonne dizaine en tout, de la DGSE à la DGSI, des services de contre- espionnage­s aux institutio­ns de défense, de la sécurité territoria­le aux renseignem­ents militaires. Les responsabl­es, eux-mêmes, ont tendance à s’y perdre aussi, tant est grand le risque qu’entre ces différente­s instances, la communicat­ion passe mal, soit que chacun veuille garder jalousemen­t ses secrets, soit que tel service dépende du Premier ministre et tel autre du ministère de la Défense. Voilà pourquoi ce nouveau Centre national du contre-terrorisme sera placé auprès du président de la République et dirigé par Pierre Bousquet de Florian, pour coordonner toutes les informatio­ns détenues par les organismes compétents. Un organisme de plus à ajouter aux autres, une feuille à ajouter au millefeuil­les ? C’est le risque, en effet, mais c’est loin d’être le but du président de la République qui veut auprès de lui une coordinati­on efficace, quitte a réorganise­r, s’il le faut, tel ou tel Conseil ou comité. Siégeront donc en permanence, à l’Elysée une vingtaine de personnes, pour le moins, chargés du pilotage stratégiqu­e de la lutte antiterror­iste. Ce n’est pas par hasard, ou par caprice, qu’Emmanuel Macron a décidé de placer auprès de lui cette task-force, analogue au National Security Council américain. Il juge d’abord que la sécurité est une des préoccupat­ions essentiell­es des Français, sinon la première d’entre elles et qu’il est nécessaire que ces affaires- là se traitent à son niveau, par une action organisée, la plus rapide possible, sans temps perdu en négociatio­ns entre chefs de service. Le Président a une autre idée derrière la tête. On se souvient que, pendant sa campagne, ses adversaire­s politiques ont insisté sur son défaut de connaissan­ce des fonctions baptisées régalienne­s. Sur la défense, la sécurité, la justice, il n’était pas crédité de quelque compétence. Voilà pourquoi il lui paraît nécessaire aujourd’hui de montrer que, conforméme­nt à ce que les Français attendent, il est bien décidé à se mouler compléteme­nt dans l’habit d’un président de la République. « Régalien », il est bien disposé à l’être, et plutôt deux fois qu’une. Reste à savoir si cette entreprise, vaste et nécessaire, de mise en commun de toutes les informatio­ns nécessaire­s à assurer la sécurité du pays, affirmera une efficacité plus grande qu’elle n’a déjà et si la volonté « jupitérien­ne » d’Emmanuel Macron suffira à triompher des divisions historique­s qui fractionne­nt depuis des années les services de l’Etat.

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