Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Du macronisme
Qu’est-ce que le macronisme ? Cet ovni politique, dont la puissance de déflagration ne cesse de surprendre, est loin d’avoir été entièrement analysé. Il faudra du temps. C’est à l’usage, au fil des mois et des années, qu’on pourra se faire une idée plus précise de la nature de ce phénomène politique inédit par son ampleur et sa vitesse d’expansion. A titre de définition provisoire, on dira que le macronisme est d’abord une réflexion sur l’impuissance publique et les blocages de la société française. Réflexion entamée de longue date, enrichie des observations qu’a pu faire Emmanuel Macron quand il était rapporteur de la commission Attali sur la croissance, nourrie de son expérience du pouvoir à l’Elysée et à Bercy, avant qu’il ne rompe avec Hollande pour se lancer – au milieu de l’incrédulité générale – dans l’aventure qu’on sait. C’est alors que s’est affiné son diagnostic sur les causes de l’impuissance publique (paralysie de la décision par les jeux tactiques et les postures politiciennes, obsession médiatique, paresse intellectuelle des partis de gouvernement, dont l’énergie s’épuise dans les rivalités internes et la conquête d’un pouvoir dont ils ne savent que faire une fois qu’ils l’ont conquis…). Il en a tiré un livre dont le titre a pu faire sourire : Révolution. Quoi, un révolutionnaire, ce jeune homme bien né passé par l’Ena et l’inspection des finances, ce « banquier d’affaires » au langage si policé ? En France, le mot évoque plutôt Thermidor. On en est loin… Et pourtant, c’est bien une sorte de révolution – modérée, pacifique et électorale – que mène Macron. Quand le pouvoir, de gauche ou de droite, se révèlent incapable de guérir les maux auxquels il doit son élection ; quand les gouvernements successifs s’enlisent chacun son tour dans l’impopularité et l’anémie, bref quand le « système politique » n’est plus la solution mais le problème, alors monte dans le pays la tentation de renverser la table. Cela s’appelle une révolution. La France, depuis deux siècles en est coutumière. L’exercice consiste à changer le logiciel du pouvoir et pour cela, condition préalable, à « dégager » le personnel politique en place. Ce que proposaient d’ailleurs la plupart des candidats à la présidentielle Nous y sommes. Que le « jeune » Macron, ce bizuth électoral, ait réussi en un an le tour de force de déboulonner le « système » et faire élire sous non nom députés (un peu plus, un peu moins) dont la plupart, il y a un mois encore, étaient de parfaits inconnus, le fait est inouï. Qui – hormis peutêtre l’intéressé ? – croyait la chose possible au soir du mai ? Inutile, ici, d’invoquer la chance. L’incroyable baraka qui a accompagné Macron dans sa marche. Cette fois, c’est d’autre chose qu’il s’agit : d’un choix du corps électoral, qui valide l’analyse que Macron avait faite des attentes du pays, et qui explique l’abstention record enregistrée ce juin. La France n’a pas été submergée par une vague de macromania (REM obtient moins de voix que Macron le avril). Mais si millions d’électeurs de Le Pen, de Mélenchon et de Fillon ont disparu dans la nature, si tant de citoyens sont restés chez eux, alors que les sondages avaient parfaitement anticipé le triomphe de REM, ce n’est pas par inadvertance. Par leur vote ou leur non-vote, les Français ont voulu (ou se sont résignés) à donner au nouveau Président les moyens d’agir et de mettre en oeuvre la « révolution » annoncée. En clair : à vous de jouer. Les autres ont eu leur chance. Ils n’ont pas su la saisir. C’est votre tour. Pas de blanc-seing, donc, mais une confiance au conditionnel, et qui oblige. Car écrasante majorité veut dire responsabilité écrasante. Surtout quand on a été élu sur une promesse d’efficacité. Les révolutions ne se jugent pas à leurs ambitions mais à leurs résultats.
« Les révolutions ne se jugent pas à leurs ambitions mais à leurs résultats. »