Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Du macronisme

- Par CLAUDE WEILL

Qu’est-ce que le macronisme ? Cet ovni politique, dont la puissance de déflagrati­on ne cesse de surprendre, est loin d’avoir été entièremen­t analysé. Il faudra du temps. C’est à l’usage, au fil des mois et des années, qu’on pourra se faire une idée plus précise de la nature de ce phénomène politique inédit par son ampleur et sa vitesse d’expansion. A titre de définition provisoire, on dira que le macronisme est d’abord une réflexion sur l’impuissanc­e publique et les blocages de la société française. Réflexion entamée de longue date, enrichie des observatio­ns qu’a pu faire Emmanuel Macron quand il était rapporteur de la commission Attali sur la croissance, nourrie de son expérience du pouvoir à l’Elysée et à Bercy, avant qu’il ne rompe avec Hollande pour se lancer – au milieu de l’incrédulit­é générale – dans l’aventure qu’on sait. C’est alors que s’est affiné son diagnostic sur les causes de l’impuissanc­e publique (paralysie de la décision par les jeux tactiques et les postures politicien­nes, obsession médiatique, paresse intellectu­elle des partis de gouverneme­nt, dont l’énergie s’épuise dans les rivalités internes et la conquête d’un pouvoir dont ils ne savent que faire une fois qu’ils l’ont conquis…). Il en a tiré un livre dont le titre a pu faire sourire : Révolution. Quoi, un révolution­naire, ce jeune homme bien né passé par l’Ena et l’inspection des finances, ce « banquier d’affaires » au langage si policé ? En France, le mot évoque plutôt Thermidor. On en est loin… Et pourtant, c’est bien une sorte de révolution – modérée, pacifique et électorale – que mène Macron. Quand le pouvoir, de gauche ou de droite, se révèlent incapable de guérir les maux auxquels il doit son élection ; quand les gouverneme­nts successifs s’enlisent chacun son tour dans l’impopulari­té et l’anémie, bref quand le « système politique » n’est plus la solution mais le problème, alors monte dans le pays la tentation de renverser la table. Cela s’appelle une révolution. La France, depuis deux siècles en est coutumière. L’exercice consiste à changer le logiciel du pouvoir et pour cela, condition préalable, à « dégager » le personnel politique en place. Ce que proposaien­t d’ailleurs la plupart des candidats à la présidenti­elle Nous y sommes. Que le « jeune » Macron, ce bizuth électoral, ait réussi en un an le tour de force de déboulonne­r le « système » et faire élire sous non nom  députés (un peu plus, un peu moins) dont la plupart, il y a un mois encore, étaient de parfaits inconnus, le fait est inouï. Qui – hormis peutêtre l’intéressé ? – croyait la chose possible au soir du  mai ? Inutile, ici, d’invoquer la chance. L’incroyable baraka qui a accompagné Macron dans sa marche. Cette fois, c’est d’autre chose qu’il s’agit : d’un choix du corps électoral, qui valide l’analyse que Macron avait faite des attentes du pays, et qui explique l’abstention record enregistré­e ce  juin. La France n’a pas été submergée par une vague de macromania (REM obtient moins de voix que Macron le  avril). Mais si  millions d’électeurs de Le Pen, de Mélenchon et de Fillon ont disparu dans la nature, si tant de citoyens sont restés chez eux, alors que les sondages avaient parfaiteme­nt anticipé le triomphe de REM, ce n’est pas par inadvertan­ce. Par leur vote ou leur non-vote, les Français ont voulu (ou se sont résignés) à donner au nouveau Président les moyens d’agir et de mettre en oeuvre la « révolution » annoncée. En clair : à vous de jouer. Les autres ont eu leur chance. Ils n’ont pas su la saisir. C’est votre tour. Pas de blanc-seing, donc, mais une confiance au conditionn­el, et qui oblige. Car écrasante majorité veut dire responsabi­lité écrasante. Surtout quand on a été élu sur une promesse d’efficacité. Les révolution­s ne se jugent pas à leurs ambitions mais à leurs résultats.

« Les révolution­s ne se jugent pas à leurs ambitions mais à leurs résultats. »

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