Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Jordi Casals croque du Dalí depuis  ans

Collection­neur compulsif, ce Lavandoura­in d’adoption pris en flagrant Dali, entame le siège artistique de Sainte-Maxime avec des centaines d’objets et documents en lien avec le maître surréalist­e

- LAURENT AMALRIC

Yeux exorbités et moustache en « i », le maître catalan se disait « Fou du chocolat Lanvin ». Jordi Casals a, lui, dans ses tablettes plus de mille trésors estampillé­s Dalí. Son dada de collection­neur boulimique. L’art ? Une évidence pour ce fils d’un réfugié politique catalan qui côtoyait Picasso, Vian ou Miró. Mais pas le façonneur des montres molles. « Mon père l’a dénigré à partir du moment où il a retourné sa veste en copinant avec Franco. Tout le monde a ses casseroles… », tempère Jordi qui joue les M. Loyal au sein de la Tour Carrée, vénérable musée maximois qu’il vient de coloniser de cen- taines de trouvaille­s « surréalist­es ». « J’ai mis mes tripes et mon âme pour proposer une exposition anti-minimalist­e à caractère culturel, historique et didactique », cadre Jordi qui termine, au bout du rouleau, la mise en place. La seule idée de créer un « menu surréalist­e » avec le restaurant des Palmiers qui jouxte le musée, regonfle bien vite ce bloc d’énergie !

Un roi de la société de consommati­on

« On en prend plein les yeux, mais il ne faut pas venir chercher les peintures ici ! », prévient la directrice des affaires culturelle­s maximoise, Emmanuelle Licitri. Effectivem­ent, point de tableaux parmi les centaines d’objets hétéroclit­es qui jalonnent la visite sur deux niveaux. Bouteilles apéritives, flacons de parfum, disques 33 tours, jeux de tarot, affiches, photos et billets signés, donnent la mesure de l’éventail des domaines goûtés par ce roi de la provoc qu’André Breton surnommait «Avida Dollars ». Anagramme référence à l’appétence du sieur Salvador pour les matières « sonnantes et trébuchant­es » Dès l’entrée trône une édition années 30 retapissée du Canapé Boca. Célèbre sofa à lèvres pulpeuses qui fit aussi sa légende. L’original repose dans le Théâtremus­ée Dalí de Figueras qui fait

référence. Jordi Casals plaide malgré tout pour un projet de musée dans l’Hexagone.

Princesse Grace sous le charme

« Il serait complément­aire du musée espagnol en axant la thématique sur sa période parisienne, déterminan­te dans son oeuvre. S’il y a la volonté politique, j’offre toutes mes collection­s ! », jure le collection­neur qui songe aussi à une opportunit­é monégasque depuis l’édition de son ouvrage Dalí Monte-Carlo sous le haut patronage de S.A.S. le Prince Albert II en 2005. Un livre d’art conçu à

partir d’une multitude d’images acquises en vente aux enchères. « Les éditeurs étaient sceptiques. Du coup j’ai tout fait moi-même et cela donne le premier album photos sur Dalí au monde. Rainier luimême ne connaissai­t pas celles où l’on découvre la princesse Grâce au côté de Dalí, charmée par l’expo de l’Hôtel Meurice en 1967 », sourit Jordi Casals qui continue de re- muer ciel et terre pour collecter de nouvelles pièces. « Je marche à l’instinct. Mais il m’arrive de me planter. En vente aux enchères, j’ai raté un tableau d’étude. Je ne le sentais pas… Je m’en suis mordu les doigts ! », regrette ce solide gaillard, lui-même artiste protéiform­e. L’on entrevoit l’une de ses facettes à travers les surprenant­s cadres sculptures en plâtre armé à tonalité Gaudí qui habillent des photos de l’exposition. Un événement qu’il promet d’accompagne­r par sa présence constante afin de renseigner le public et assouvir sa curiosité. « Dalí n’a jamais été aussi adulé. Je vois bien la fascinatio­n qu’il exerce. Du gamin au troisième âge, tout le monde se retrouve dans son univers foisonnant ». Même Paul Ricard, comme en témoigne une lettre-hommage datée de 1967. C’est d’ailleurs à cet ami et mécène, enterré dans le Var face au grand large, que l’on doit à La Pêche au thon – l’un des chefsd’oeuvre du Dalí peintre – d’être varois. La fondation Paul-Ricard qui l’avait acquise en 1968 l’expose toujours sur l’île de Bendor. Dernier choc au détour des cimaises de la Tour Carrée. Un cliché représenta­nt Dalí, bombe aérosol à la main, en train de donner un cours de dessin devant un parterre d’étudiants en 1968. Révolution­naire ? Surtout « précurseur », relève Jordi Casals, qui observe combien les stars « rebelles » du street art en ont « croqué » auprès du turbulent iconoclast­e qui – chocolat ou pas – savait démultipli­er ses talents au carré.

‘‘ Un musée Dalí aurait sa place en France” ‘‘ Grâce à Paul Ricard, Dalí est dans le Var”

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(Photo Philippe Arnassan)

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