Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Des accusés entre « nonchalanc­e » et « lâcheté »

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« Il n’y a pas de cerveau, ici. Vous essayez à vous tous d’en constituer un... » Droit dans les yeux des accusés, Me Clarisse Serre ne les ménage pas, au nom de la Fenvac (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs). Les dix-sept individus qui comparaiss­ent ont les oreilles qui sifflent, hier matin, au second jour des plaidoirie­s de la partie civile. Entre « nonchalanc­e » et «lâcheté », les avocats des associatio­ns et victimes brocardent l’attitude manifestée, depuis deux mois, par les membres de la cellule terroriste démantelée. De grands courageux prompts à se défausser sur Jérémie LouisSidne­y, alias « Anas », le chef et grand absent. « Dans la vie, on est ce qu’on fait », assène Me Claire Josserand-Schmidt, au nom de l’AFVT (associatio­n française des victimes du terrorisme). L’avocate déplore « l’attitude en permanence victimaire et l’absence totale de responsabi­lité » des accusés. Une désinvoltu­re qui contraste avec la gravité des faits. L’avocate cite le témoignage d’une victime d’un précédent drame : « Se réveiller après un attentat, c’est comme naître une seconde fois. C’est se réveiller dans un monde qui continue de tourner, mais que l’on ne reconnaît pas... »

Cruelle ironie

Elvin Bokamba-Yangouma devrait pourtant en savoir quelque-chose. En 1989, il a perdu sa demi-soeur dans l’attentat qui avait visé le DC10 d’UTA au Tchad. Le même attentat qui a coûté la vie au père de Guillaume Denoix de Saint-Marc. Cruelle ironie : le fondateur de l’AFVT fait face au jeune radicalisé. Dans le box, les dix détenus apparaisse­nt sempiterne­llement avachis, complices voire rigolards - « pas loin de prendre le petit-déjeuner dans le box, s’étrangle Me Serre. Si les débats avaient été filmés, quelle image auriez-vous renvoyé à la société ? » La société, justement, laisse entrevoir un état des lieux inquiétant, à l’aune de cette affaire qui préfigure les tueries à venir. « Depuis cinq ans, en France, on meurt du djihadisme », tonne Me DavidOlivi­er Kaminski. Haussant le ton, l’avocat de la Licra (Ligue contre le racisme et l’antisémiti­sme) toise les accusés : « Les premières victimes, ce sont les musulmans de France ! Ce sont eux qui souffrent de vos actes et des amalgames. »

« Vous avez perdu »

Pour Me Patrick Klugman, avocat du Crif (Conseil représenta­tif des institutio­ns juives de France), « il y a deux absents dans ce procès : Jérémie Louis-Sidney et son exécuteur testamenta­ire, l’imam de la mosquée de Torcy. Cette mosquée où l’on se radicalise et où on apprend le djihad ». Ce motif a précisémen­t conduit à sa fermeture en avril dernier. Alors, puisque ces jeunes gens refusent de reconnaîtr­e la société et ses droits, Me Klugman appelle à « les juger comme ces Français qu’ils ne veulent pas être » . En guise de conclusion, Me Kaminski assène : « Nous avons toujours gagné le combat contre l’obscuranti­sme. Messieurs, vous avez déjà perdu ! »

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