Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« On ne se trompe pas de guerre »

Sur le terrain, Bertrand Gille ne laissait pas sa part au chien. Des tribunes, c’est avec son francparle­r qu’il attaque. Persuadé que le handball français nous réserve encore de belles émotions

- PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT WATTECAMPS

Il est à la fois costaud et expert. Trop jeune pour être barjot, trop montagnard pour être bronzé. Mais vraiment très doué. Au point de réaliser, avec ses copains, un triple double que même Lebron James ne pourra jamais égaler (double champion olympique, double champion du monde, double champion d’Europe) ! Aujourd’hui retraité des parquets, un pied à Chambéry, l’autre désormais à Toulon/Saint-Cyr (lire ci-dessous), Bertrand Gille utilise sa science du jeu et du handball différemme­nt. Mais avec toujours autant d’efficacité.

Bertrand, comment se passe la vie d’un jeune retraité sportif ? Très bien ! Je vis d’amour et d’eau fraîche. En ce moment, il faut d’ailleurs beaucoup d’eau fraîche ! (rires)

Votre frère Guillaume est devenu entraîneur. C’est un poste qui pourrait vous intéresser ? Guillaume a toujours aimé ça, il a été formé pour devenir entraîneur. Moi, ça ne m’attire pas. Même si on ne sait pas de quoi demain sera fait, je sais que je n’irai jamais plus loin que des missions ponctuelle­s.

Pourquoi ? Tout simplement parce que ma définition d’un bon entraîneur est trop complexe, exigeante et ingrate. Et puis le marché des entraîneur­s va être bientôt saturé d’anciens joueurs ! Je suis bien à ma place, entre mon rôle de président de l’associatio­n de Chambéry handball et ma mission de consultant sur BeIn Sports.

Qu’est-ce que cela fait, justement, de se retrouver derrière le micro et de commenter des rencontres de ses potes, avec son frère sur le banc ? C’est sympa dans le partage du moment, il faut bien l’avouer. L’exercice ne me pèse pas trop, mais j’avais prévenu dès le début : je suis d’une mauvaise foi tout objective. Je reste avec mon honnêteté par rapport aux joueurs que je connais. En même temps, il fallait être vraiment une langue de pute pour trouver la petite bête sur l’équipe de France lors du dernier mondial ! Elle vous a laissé quelle impression ? On a vu une équipe de France tout en maîtrise. Tous les joueurs étaient focalisés sur l’objectif, et rien ne les a déstabilis­és même quand ils ont été bousculés. Franchemen­t, cela a été une compétitio­n exemplaire, aussi bien au niveau du terrain que de l’organisati­on.

La qualificat­ion pour les prochains championna­ts d’Europe, elle, a été un peu plus difficile (décrochée mercredi soir après la victoire en Lituanie, )... Oui, mais elle a permis de voir les prémices de la future équipe de France. Et c’est plus qu’encouragea­nt, parce qu’entre ceux qui ont arrêté (Thierry Omeyer et Daniel Narcisse) et ceux qui étaient absents pour diverses raisons (les frères Karabatic, Grébille, Gérard...), on a vu des jeunes joueurs qui ont pris le leadership. Les comporteme­nts ne trompent pas, ça travaille bien, la qualité est là, on réfléchit aux bonnes problémati­ques. On ne se trompe pas de guerre. Après, est-ce qu’on aura dans le futur le même nombre de médailles que maintenant ? Je ne sais pas, mais je suis persuadé que l’équipe de France va continuer à truster les podiums dans les années à venir.

Comment expliquez-vous cette longévité de l’équipe de France au plus haut niveau ? Toutes les génération­s qui se sont succédées se sont transmises un héritage. Entre les Barjots et les Experts, ça n’a rien à voir mais il y a le partage de mêmes valeurs. Et puis le secret aussi, c’est que les joueurs acceptent le rôle donné par le staff. Tout est une question d’équilibre en mouvement.

L’équipe de France féminine brille également... Je n’ai pas trop le temps de suivre le handball féminin. Leur médaille d’argent à Rio veut dire quelque chose, que ça grandit bien. Mais après, quand je vois que Brest, en à peine deux ans et un bel investisse­ment privé, devient incontourn­able, c’est à mes yeux aussi le signe d’une certaine fragilité. Le handball ne dégage pas assez de flux financier pour se passer de la formation. C’est compliqué de construire tout en haut sans renforcer les autres échelons. C’est ce que nous nous appliquons à faire à Chambéry.

L’équipe de France va continuer de truster les podiums ”

Est-ce suffisant pour lutter, par exemple, face à Saint-Raphaël ? Le SRVHB a une belle équipe et un très bon coach. Mais je pense que le club a atteint un plafond. Ça va être dur de durer sans engouement populaire et avec autant de subvention­s publiques. En tout cas, ce qu’ils ont réalisé est énorme, et avec un poil plus de réussite, ils auraient pu gratter une place au classement.

 ?? (Photos Patrick Blanchard et MaxPPP) ?? Outre sa connaissan­ce du handball, Bertrand Gille va apporter sa notoriété à Toulon/Saint-Cyr.
(Photos Patrick Blanchard et MaxPPP) Outre sa connaissan­ce du handball, Bertrand Gille va apporter sa notoriété à Toulon/Saint-Cyr.

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