Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’oursin Bayrou

- Par DENIS JEAMBAR

La machine à gagner n’est pas enrayée mais le temps des victoires à la Bonaparte semble s’achever pour Emmanuel Macron. Certes, il devrait parachever aujourd’hui, ou dans les prochains jours, son travail de sape de la droite proche de se scinder en trois groupes parlementa­ires à l’Assemblée nationale, les uns choisissan­t une opposition radicale, les autres une opposition raisonnée, les derniers préférant devenir les supplétifs du nouveau gouverneme­nt. Autant dire que le chef de l’Etat est proche d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé : disposer d’une vaste formation centrale aux contours flous sur sa droite et sur sa gauche, confrontée surtout à des partis extrêmes, FN et Insoumis, qu’il juge incapables de conquérir le pouvoir. Son bonheur serait total s’il n’y avait pas eu ce second tour des législativ­es qui le ramène à la réalité. Son empire ressemble à une pyramide à l’envers : un pouvoir obèse reposant sur une base électorale étroite. Certes, sa légitimité est absolue, incontesta­ble du point de vue démocratiq­ue, mais son socle politique est fragile et donc exposé aux coups de tabac qui pourraient survenir. Le départ de Sylvie Goulard du ministère des Armées n’en est pas un mais c’est tout de même une première fissure qui pourrait se transforme­r en fêlure si François Bayrou et Marielle de Sarnez ne figuraient pas ce soir dans le gouverneme­nt Philippe II. Certes, la rupture n’est pas écrite mais le MoDem est déjà un oursin entre les mains du chef de l’Etat. On peut passer très vite de l’entente cordiale à la colocation voire la cohabitati­on. Le Président a d’ailleurs anticipé cette situation en organisant la sortie du gouverneme­nt de Richard Ferrand et son atterrissa­ge à la tête du groupe parlementa­ire En Marche à l’Assemblée nationale. Coup double ! Il se met ainsi à l’abri d’une mise en examen d’un ministre proche et place un affidé, en prise directe avec lui, à la tête d’une armée de députés dont il veut faire des godillots. Ce dispositif élyséen souligne, par ailleurs, le porte-à-faux du Premier ministre et les limites de son pouvoir : il n’appartient pas au parti du président et n’aura pas la main sur la majorité pilotée directemen­t

« Le temps des victoires à la Bonaparte semble s’achever pour Emmanuel Macron. »

par le chef de l’Etat. Bref, il a devant lui un destin de collaborat­eur plutôt que de Premier ministre disposant d’une réelle autonomie. Enfin, se profilent les premières difficulté­s. Certes, l’INSEE annonce une croissance de ,% pour cette année mais nous restons en queue du peloton européen. Surtout, de mauvaises nouvelles sur le financemen­t des retraites compliquen­t la réforme envisagée et relancent la seule solution pour résoudre le problème : repousser l’âge du départ à la retraite à  ans. Pas facile car le président a écarté cette mesure pendant sa campagne. Après la marche triomphale, gouverner devient déjà l’épreuve de vérité politique, économique et sociale.

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