Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Décret-plage : le préfet des AM choisit la manière forte

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC GALLIANO ET CHRISTOPHE PERRIN

Georges-François Leclerc l’annonce d’emblée : « J’ai une conception plutôt discrète de ma fonction. Ne comptez pas sur moi pour répondre aux provocatio­ns et alimenter les polémiques.» Nommé contre toute attente préfet des Alpes-Maritimes en novembre 2016 pour succéder à Adolphe Colrat, cet énarque de 50 ans a accordé à Nice-Matin sa première interview. « Je ne communique pas, j’informe », précise-t-il pour justifier sa réserve qui semble être, chez lui, comme une seconde nature. Sorti de l’ENA en 1991, ce Bourguigno­n a notamment été directeur adjoint du cabinet de la ministre de l’Écologie Roselyne Bachelot en 2002, préfet de l’Aude en 2010, directeur-adjoint du cabinet du ministre de l’Intérieur Claude Guéant en 2011-2012 puis préfet de Haute-Savoie. Les échéances électorale­s étant passées, le représenta­nt de l’État a accepté d’aborder des sujets hautement sensibles(à lire dans nos éditions des Alpes-Maritimes, parues mercredi), dont un qui intéresse tout particuliè­rement les Varois : le « décret-plage », sur l’applicatio­n duquel il a une vision particuliè­rement stricte. Le préfet Leclerc aime à se présenter comme un humble serviteur de l’État tout en étant, affirmet-il, doté d’une déterminat­ion sans faille. Il en faudra pour faire respecter le droit dans une région où d’aucuns s’ingénient à le tordre. Certains préfets s’y sont cassé les dents. Georges-François Leclerc veut croire qu’en toute discrétion, avec le sourire, il fera appliquer la loi.

Vous avez décidé de faire le ménage sur le domaine public maritime ? Je n’aime pas cette expression « faire le ménage ». Le domaine public maritime est le bien de la nation. Je vais donc faire respecter le fameux «décretplag­e ». Il permet des installati­ons sur le domaine public maritime. Allez sur la promenade des Anglais, vous y verrez des établissem­ents qui respectent scrupuleus­ement ce décret. Pourquoi ne pourrait-on pas faire de même ailleurs ?

Les plagistes, même à Nice, se passeraien­t bien de ce décret qui réduit les surfaces concédable­s… Ce décret est ce qu’il est. Et un préfet est avant tout le serviteur de la loi. Je le fais donc appliquer. Progressiv­ement, avec le sourire et en maintenant un haut niveau de dialogue. Car il faut savoir que j’ai reçu ceux qui, du côté de Vallauris, aujourd’hui critiquent mes méthodes dans vos colonnes.

Ce sont souvent des établissem­ents emblématiq­ues de la Côte. Même Robert De Niro a volé au secours de l’un d’eux pendant le Festival. N’y a-t-il pas aussi un risque économique ? L’argument économique, je l’entends. J’ai d’ailleurs fait une propositio­n aux personnes auxquelles vous faites allusion qui aurait pu leur permettre de continuer à exploiter leur établissem­ent. Ils ne l’ont pas accepté. Ils ont sans doute été mal conseillés. J’ai donc demandé à la justice de trancher le litige. C’est tout. Il y a donc des alternativ­es à la destructio­n ? Il faut que les établissem­ents soient démontable­s. Ensuite, le texte prévoit que les concession­s soient attribuées au travers d’un appel d’offres organisé par la mairie. Il faut que ces personnes acceptent de s’y soumettre elles aussi. Parce que force sera donnée à la loi à chaque fois que le tribunal administra­tif reconnaîtr­a qu’il y a contravent­ion de grande voirie.

Y a-t-il plusieurs actions pendantes? Quels sont les établissem­ents concernés ? Je ne citerai aucun nom. Mais il va y avoir beaucoup, je dis bien beaucoup, d’opérations au cours desquelles je vais constater ce qui me paraît être une infraction. Et à chaque fois que le tribunal administra­tif reconnaîtr­a qu’il y a bien contravent­ion de grande voirie, nous procéderon­s à des démolition­s, s’il le faut.

Est-ce que cela vaut aussi pour les propriétés privées, les pontons ou les ports privés qui ont pu y être aménagés ? Il n’y a aucune raison de limiter la politique que je mets en oeuvre aux établissem­ents de plage. À chaque fois, nous démonteron­s. Il y a d’ailleurs des opérations qui sont d’ores et déjà programmée­s.

Y compris sur la presqu’île des milliardai­res ou le Cap d’Antibes ? Je ne citerai pas de cap, de péninsule ou de presqu’île, mais à chaque fois que des installati­ons permanente­s ont débordé sur le domaine public maritime, je ferai respecter la loi. Parce que le domaine public maritime est la propriété de la nation.

Avec potentiell­ement une difficulté financière? Car lorsque le propriétai­re ne s’exécute pas c’est l’État qui se substitue… Nous ne faisons que l’avance et nous nous retournons systématiq­uement contre le propriétai­re. Ce ne sera en tout cas pas un frein à notre déterminat­ion. Calme mais méthodique. Rien ne nous empêchera d’aller au bout…

Même pas des raisons diplomatiq­ues ? Beaucoup de ces résidences appartienn­ent à des milliardai­res, voire à des chefs d’État étrangers… Je suis sûr qu’ils auront à coeur de respecter la loi. En tout cas, en France, il y a un principe fondamenta­l qui est celui d’égalité. Et ce principe d’égalité régit l’action publique. J’aurai donc une démarche égalitaire.

 ?? (Photo François Vignola) ?? Georges-François Leclerc : « J’irai jusqu’au bout pour faire respecter la loi ».
(Photo François Vignola) Georges-François Leclerc : « J’irai jusqu’au bout pour faire respecter la loi ».

Newspapers in French

Newspapers from France