Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’infidélité, issue ou impasse?

Un homme sur deux et une femme sur trois admettent avoir déjà été infidèles au cours de leur vie. Derrière ces statistiqu­es, de la souffrance, des questions et parfois la résilience

- NANCY CATTAN

Si l’infidélité est un motif fréquent de divorce, elle ne compromet pas nécessaire­ment l’avenir du couple. À condition d’en comprendre la génèse, de se donner le temps de la réflexion, de l’analyse et d’être accompagné (e). Depuis des années, Marie-Aude Binet, conseillèr­e conjugale, suit ainsi des couples en crise. Une expérience dont elle a tiré un livre passionnan­t, Infidélité­s et crises conjugales (Ed. Odile Jacob).

L’infidélité est-elle un marqueur de difficulté­s dans le couple ? Pas toujours. Parfois, il existe un mal-être personnel, une incompréhe­nsion liée à un défaut de communicat­ion. Forcément, le couple ne se dit pas tout, ne s’ouvre pas complèteme­nt. Des besoins ne sont pas exprimés, des demandes sont mal faites…

L’infidèle est-il (elle) conscient(e) des risques pour son couple ? Non, il n’y a pas forcément conscience de l’impact et du risque pris. Beaucoup d’hommes infidèles en particulie­r, confrontés à une rupture disent : « je ne voulais pas ça, je ne voulais pas la perdre, j’aime ma femme… » D’autres, par contre, vont consciemme­nt vers une relation extraconju­gale, et la maintienne­nt. Là, ils signifient plutôt : « dans mon couple je ne suis pas heureux (se) ».

Hommes et femmes, réagissent­ils différemme­nt à l’infidélité ? Qu’on soit homme ou femme, c’est toujours douloureux. Les réactions, par contre, diffèrent. Lorsque la femme a trompé son compagnon, et qu’il l’apprend, il va souvent chercher à la récupérer, même s’il est dans une rage terrible ; il ne peut pas se dire qu’un autre homme la lui prend, ne supporte pas l’idée que sa femme le laisse. Il a aussi très peur d’être seul. La solitude est moins difficile à gérer par la femme ; si elle a des enfants, elle va reporter son affection sur eux. Ainsi, confrontée à l’infidélité de son compagnon, la femme ne va pas chercher à le récupérer par peur d’être seule, mais parce qu’elle veut maintenir un lien, parce qu’il y a une famille : c’est très important pour elle. Elle n’est pas en compétitio­n avec l’autre femme mais plutôt « en jalousie » : qu’est ce qu’elle a de plus que moi ?

Les femmes trompées peuvent plus souvent aller jusqu’à demander le divorce. Pourquoi ? Ce type de situations les pousse à se remettre en question et surtout à interroger le lien : « s’il a fait ça, comment puis-je continuer à lui faire confiance pour l’avenir? »

Aussi répandue soitelle, l’infidélité surprend toujours ceux qui s’y retrouvent confrontés... C’est vrai. Il faut comprendre que lorsqu’un couple se rencontre, il se promet la confiance. Et cette confiance passe par l’exclusivit­é du conjoint et donc par une fidélité. On n’imagine pas que l’autre va pouvoir « le faire ». Et quand on se met à y penser on se dit : ça ne peut pas m’arriver, pas à moi...

Ce déni du risque conduit à lever la garde... On constate en effet que les couples ne prennent pas soin de leur relation. Elle est un peu mise au ban : d’abord le travail, les enfants, les amis, les voyages.. On fait ainsi courir un risque majeur au couple. Une vie conjugale, ça demande des efforts. Si on ne prend pas soin régulièrem­ent du lien conjugal, qu’il n’est plus une priorité, au bout d’un moment, on s’essouffle. Et puis on s’éloigne. Pourquoi cette notion de « prendre soin de son couple » peine-t-elle à s’ancrer ? Parce qu’elle est assez nouvelle. Autrefois, on restait en couple parce que c’était comme ça, c’était la tradition. Les femmes n’avaient pas le choix, elles ne pouvaient pas être indépendan­tes. Ça fait finalement peu de temps qu’on découvre que pour que le couple tienne, il faut autre chose que les sentiments, l’argent, les enfants, ou l’acquisitio­n d’une maison. Ça n’a pas été forcément transmis dans l’éducation, les couples apprennent sur le tas. Et ce n’est pas si simple. Lorsqu’on n’est pas préparé, ça aboutit à : « Je ne veux pas ça… et je vais chercher à l’extérieur quelque chose d’autre que cette vie de couple rébarbativ­e à certains moments. »

Aimer ne suffit donc pas ? Non. Et à force de vouloir que le couple soit tout le temps amoureux, on le fragilise. On ne le fait plus tenir que sur une flamme qui monte et qui descend, et ça ne suffit pas.

L’infidélité peut-elle être salutaire dans certains cas ? Pour certains, c’est le seul moyen qu’ils ont trouvé, alors qu’ils n’arrivaient pas à résoudre une tension interne dans leur vie conjugale. Et ça peut devenir riche dans le couple, si c’est resservi dans la vie conjugale. Un exemple : une femme qui n’arrivait pas avoir d’orgasme avec son compagnon, et découvre ça avec son amant… elle peut resservir cette expérience dans sa vie conjugale après. Et le couple va pouvoir durer.

Quid de l’infidélité provoquée par une rencontre amoureuse ? Lorsque l’infidélité ne reste pas que sexuelle, qu’elle devient affective, le couple de base est beaucoup plus à risque. mais la réalité des sentiments est plus subtile. Souvent, la personne infidèle ne fait pas bien la distinctio­n entre être amoureux et

aimer. Prise dans un tourbillon trompeur, elle imagine que ressentant la flamme pour son amant (maîtresse), se sentant amoureux (se), elle n’aime plus son (sa) conjoint(e), et se persuade qu’il vaut mieux partir. Souvent, elle se trompe : il y a toujours de l’amour, simplement il est ressenti de façon moins vive.

Quelles pistes pour prévenir ? Et pour sauver son couple après un passage à l’acte ? Il faut prendre soin de la vie à deux. Et pour reconstrui­re le couple – lorsque c’est le souhait de deux partenaire­s –, il y a un grand nombre de pas à faire. Le thérapeute propose des pistes et le couple dispose.

Quand faut-il consulter ? Le couple peut très difficilem­ent s’en sortir tout seul. Les hommes qui ont été infidèles ont coutume de dire : « bon, allez, maintenant on tourne la page et on passe à autre chose ! ». Sauf que ça ne se passe pas comme ça. Il y a un temps de digestion, d’appropriat­ion, et un temps de réconcilia­tion très important. Et après il faut reconstrui­re, changer la relation, regarder ce que chacun veut redonner etc. Tout ça prend du temps, ça ne se fait pas en trois mois !

Une vie conjugale, ça demande des efforts Marie-Aude Binet Conseillèr­e conjugale

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(Photo Patrice Lapoirie) Lorsque l’infidélité ne reste pas que sexuelle, qu’elle devient affective, le couple de base est beaucoup plus à risque.
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