Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Les mythiques bouchons de la Nationale 

- ANTHONY SALOMONE

Raymond Féraud était un célèbre troubadour né vers 1245, à Ilonse, dans le hautpays niçois. Cette forme d’art est une vocation et il faut être érudit pour « trouver » les poèmes que les musiciens et jongleurs réciteront. Sur les 450 troubadour­s connus, une cinquantai­ne était de Provence. Au Moyen-Âge, les écrits atypiques de Raymond Féraud, qui renouvelle le genre poétique de son époque, sont repris par bon nombre de lettrés.L’homme, dont il n’existe aucun portrait, connaît une vie garnie de voyages et d’épopées. Ces pérégrinat­ions l’inspirent directemen­t. Son père est seigneur d’Ilonse, modeste village perché de la vallée de la Tinée. Cette place dans l’aristocrat­ie locale permet au jeune Raymond de grandir dans la cour de l’illustre comte de Provence, Charles Ier d’Anjou (1246-1285). En 1268, il participe à la conquête du royaume de Naples à ses côtés. Dans son oeuvre la plus connue et l’une des seules qui ait traversé les âges, La Vida de Sant Honorât ,il écrit une complainte en l’honneur du comte mort à Foggia, en Italie. Fidèle à la famille d’Anjou, il se met au service de Charles II (12851309), surnommé le Boiteux, et de son épouse Marie de Hongrie.

Il rejoint le monastère de Saint-Honorat

Mais, vers 1290, sa vie prend un autre virage et il entre dans les ordres au monastère de l’île Saint-Honorat, dans la baie de Cannes. En 1295, il quitte le littoral pour devenir prieur à SaintJean de Roquestéro­n, village de la vallée de l’Estéron, situé dans le haut-pays grassois. Cette destinatio­n est plus proche de ses racines et de sa famille. C’est dans ce coin reculé qu’il finit de rédiger La Vida de Sant Honorât, composée de 4127 vers en langue romane. Ces derniers brossent la légende de la vie de saint Honorat, ermite qui fonde le monastère au Ve siècle sur l’île de Lérins, infestée de serpents et de scorpions. La renommée du texte du troubadour est telle qu’elle contribue à faire de cette île un lieu de pèlerinage populaire. L’oeuvre se distingue par son originalit­é et la quantité d’informatio­ns qu’elle dévoile sur la géographie de la Provence au MoyenÂge. Il est surprenant de lire des vers où sont mentionnés des lieux reculés : « Au-dessus de PugetThéni­ers, où le monastère a une église, se trouve une montagne fort grande qui est près de PugetRosta­ng; cette montagne s’appelle Dina. » Cette fascinatio­n pour les montagnes, alliée à une dose de merveilleu­x, se retrouve encore dans cet autre vers : « Ils gravissent la montagne et sont venus directemen­t au col de la Brasque par un sentier étroit. Ils cherchèren­t çà et là partout dans la forêt pour retrouver le saint ou voir son ermitage. Et regardant le sommet de la montagne, le mont de l’Argentera dans la forêt déserte ils ont vu une étoile tomber du firmament avec un grand éclat. » Une avenue à Nice porte le nom de cet illustre personnage qui mérite qu’on redécouvre son oeuvre, source incontourn­able pour les médiéviste­s et passionnés de poésie.

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(Photo mairie de Roquestéro­n) Gravure de Roquestéro­n de  avec l’ancienne église Saint-Jean, à gauche sur le rocher, devenue Sainte-Pétronille aujourd’hui.
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 ?? (Photo DR) ?? Statue à Hyères de Charles Ier d’Anjou, le comte de Provence, qui aimait tant les poèmes de Féraud.
(Photo DR) Statue à Hyères de Charles Ier d’Anjou, le comte de Provence, qui aimait tant les poèmes de Féraud.

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