Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Les mythiques bouchons de la Nationale
Raymond Féraud était un célèbre troubadour né vers 1245, à Ilonse, dans le hautpays niçois. Cette forme d’art est une vocation et il faut être érudit pour « trouver » les poèmes que les musiciens et jongleurs réciteront. Sur les 450 troubadours connus, une cinquantaine était de Provence. Au Moyen-Âge, les écrits atypiques de Raymond Féraud, qui renouvelle le genre poétique de son époque, sont repris par bon nombre de lettrés.L’homme, dont il n’existe aucun portrait, connaît une vie garnie de voyages et d’épopées. Ces pérégrinations l’inspirent directement. Son père est seigneur d’Ilonse, modeste village perché de la vallée de la Tinée. Cette place dans l’aristocratie locale permet au jeune Raymond de grandir dans la cour de l’illustre comte de Provence, Charles Ier d’Anjou (1246-1285). En 1268, il participe à la conquête du royaume de Naples à ses côtés. Dans son oeuvre la plus connue et l’une des seules qui ait traversé les âges, La Vida de Sant Honorât ,il écrit une complainte en l’honneur du comte mort à Foggia, en Italie. Fidèle à la famille d’Anjou, il se met au service de Charles II (12851309), surnommé le Boiteux, et de son épouse Marie de Hongrie.
Il rejoint le monastère de Saint-Honorat
Mais, vers 1290, sa vie prend un autre virage et il entre dans les ordres au monastère de l’île Saint-Honorat, dans la baie de Cannes. En 1295, il quitte le littoral pour devenir prieur à SaintJean de Roquestéron, village de la vallée de l’Estéron, situé dans le haut-pays grassois. Cette destination est plus proche de ses racines et de sa famille. C’est dans ce coin reculé qu’il finit de rédiger La Vida de Sant Honorât, composée de 4127 vers en langue romane. Ces derniers brossent la légende de la vie de saint Honorat, ermite qui fonde le monastère au Ve siècle sur l’île de Lérins, infestée de serpents et de scorpions. La renommée du texte du troubadour est telle qu’elle contribue à faire de cette île un lieu de pèlerinage populaire. L’oeuvre se distingue par son originalité et la quantité d’informations qu’elle dévoile sur la géographie de la Provence au MoyenÂge. Il est surprenant de lire des vers où sont mentionnés des lieux reculés : « Au-dessus de PugetThéniers, où le monastère a une église, se trouve une montagne fort grande qui est près de PugetRostang; cette montagne s’appelle Dina. » Cette fascination pour les montagnes, alliée à une dose de merveilleux, se retrouve encore dans cet autre vers : « Ils gravissent la montagne et sont venus directement au col de la Brasque par un sentier étroit. Ils cherchèrent çà et là partout dans la forêt pour retrouver le saint ou voir son ermitage. Et regardant le sommet de la montagne, le mont de l’Argentera dans la forêt déserte ils ont vu une étoile tomber du firmament avec un grand éclat. » Une avenue à Nice porte le nom de cet illustre personnage qui mérite qu’on redécouvre son oeuvre, source incontournable pour les médiévistes et passionnés de poésie.