Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Nos enfants ne méritent pas ça »

- PROPOS RECUEILLIS PARV.G.

Inspecteur de l’Éducation nationale à Saint-Raphaël jusqu’en , Joël Hervé analyse avec inquiétude les intentions du nouveau ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.

Que se cache-t-il selon vous derrière les mesures annoncées ? On s’oriente vers une prise de pouvoir pédagogiqu­e par le local au détriment de la responsabi­lité de l’État en matière d’éducation. Pour ne pas effrayer, on habille son projet en parlant « d’autonomie des établissem­ents » afin d’évacuer le premier et plus gros employeur de l’État qui ne veut plus être éducateur. Or l’école n’est pas une entreprise, car elle doit satisfaire simultaném­ent trois logiques d’action : celle de l’intérêt général, en permettant le progrès de chacun avec un bon niveau de culture, celle de l’entreprise en permettant la sortie du dispositif avec un métier utile et celle de la citoyennet­é en développan­t l’aptitude à bien vivre ensemble.

Comment le nouveau ministre commence-t-il à désengager l’État ? Il remet en cause les rythmes scolaires, une réforme essentiell­e et intelligen­te mal conduite sous le quinquenna­t précédent. Une bonne réforme des rythmes impose jusqu’en de la régularité dans la journée, dans la semaine et dans l’année avec une alternance équilibrée des temps de travail et de repos. Parmi tous les pays de l’OCDE, la France va de nouveau se trouver isolée en faisant travailler ses enfants près de  jours de moins que ses partenaire­s et en surchargea­nt chacune des quatre journées. Nos enfants ne méritent pas ça.

Que redoutez-vous ? Le retour de cette décision aux communes creusera les écarts sur le territoire. Il en est de même pour les activités péri-éducatives, source d’inégalités selon les communes. L’école n’est plus l’école de la République.

Que pensez-vous du retour du redoubleme­nt ? Toutes les recherches, depuis des décennies, concordent pour dire qu’il est nuisible. La véritable solution passe par la mise en place d’une véritable différenci­ation pédagogiqu­e au sein des classes. Laquelle nécessite un personnel formé et expériment­é.

Et des devoirs et études dirigées ? Les réaliser sur le temps scolaire est une bonne chose à condition que les adultes qui accompagne­nt les élèves soient des profession­nels expériment­és. Or si M. Blanquer envisage de faire faire quelques heures supplément­aires aux enseignant­s, il compte beaucoup sur des étudiants et retraités…

Stages de remise à niveau pour les CM,  élèves en CP en zone prioritair­e, rien ne trouve grâce à vos yeux ? Ce sont des arbres qui cachent la forêt. Qui peut croire qu’en une semaine on peut compenser  ans de scolarité incertaine ? Sur l’autre mesure, l’expérience a été tentée en  pour disparaîtr­e deux ans après, une fois l’effet d’annonce absorbé.

Une propositio­n ? La seule réforme utile au pays et aux enfants consiste à refaire du magnifique métier d’enseignant un véritable métier, en donnant à ces derniers la formation initiale et continue qui leur est due et le salaire qui leur est dû. Il s’agit d’efficacité et de reconnaiss­ance pour un métier technique et difficile. Cet engagement devrait être porté par la nation tout entière.

L’Éducation nationale est-elle irréformab­le ? Le temps de l’éducation n’est pas celui des politiques, qui ne verront le bénéfice de leurs engagement­s que lorsqu’ils auront euxmêmes quitté la scène. C’est peut-être le principal obstacle à un réel changement…

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