Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Signé Roselyne
Lundi En ce lendemain du second tour des législatives, les médias harcèlent les élus qui étrennent leur mandat tout neuf en faisant connaissance du Palais Bourbon. La marée de caméras et de micros qui leur fait barrage dans le jardin dit des Quatre Colonnes est indécente et les huissiers ont bien du mal à extraire du chaos les bizuths malmenés. Je repense à ma première élection en juin : les quelques journalistes parlementaires accrédités m’avaient laissée tranquillement effectuer les opérations d’enregistrement tout en repérant discrètement les individualités qui pourraient constituer – pour plus tard – des « bons clients ». Le Courrier de l’Ouest, mon journal local, avait demandé poliment aux députés du Maine et Loire si nous accepterions éventuellement une photo collective et rendez-vous avait été pris devant la porte du Bronze. Autre temps, autre moeurs… Le spectacle qui nous est offert aujourd’hui est désolant de tous côtés. Dans la chaleur caniculaire, Mélenchon vaticine et lève le poing, Manuel Valls se voit interpeller avec une inutile cruauté, quelques petits malins se baguenaudent, l’air faussement détaché, dans l’espoir d’attraper un morceau d’interview. C’est sans doute en écoutant les députés de la nouvelle majorité de la République en marche que le changement de la vie politique est le plus confondant. Il n’y a pas si longtemps quand on interrogeait un parlementaire sur ses motivations, les réponses étaient de deux ordres, d’une part, la défense de valeurs irréfragables telles la lutte contre la pauvreté, l’égalité homme-femme, la protection de l’environnement ou la promotion de l’unité européenne et d’autre part, l’impétrant ne manquait jamais de nourrir son propos par des exemples concrets des difficultés rencontrées dans sa circonscription, une usine en liquidation, une crise agricole, une pollution inquiétante, un quartier en déshérence. Rien de tout cela chez les REMistes qui semblent totalement hors sol. Aucune référence ni aux principes ni au terrain. Leur antienne et leur crédo tiennent en un seul concept : nous avons été élus pour faire réussir le quinquennat d’Emmanuel Macron. L’interviewer se fait plus incisif : quelle sera alors votre marge de manoeuvre ? La réponse est immédiate : nous avons été élus sur un programme et nous sommes là pour l’appliquer. En comparaison,
les gaullistes « godillots » du début de la Ve république apparaîtraient comme de dangereux contestataires. C’est sans doute cela la « nouvelle politique » mais au risque de jouer les ronchons, à terme, ces pratiques se révéleront comme une exténuation de la démocratie. Les jeunes loups triomphants de ce lundi seront balayés dans cinq ans par une nouvelle fournée de chair fraîche, tant le Moloch du dégagisme est insatiable. Tout cela est bien triste. Mercredi
Sylvie Goulard défile avec Florence Parly devant les militaires qui rendent les honneurs à la ministre des Armées qui s’en va et à celle qui lui succède. Le visage fermé de Madame Goulard ne donne aucun signe de regret ou de chagrin. Telle Némésis, elle porte l’impérieuse nécessité de la justice, de la juste colère et de la vengeance. Telle Némésis, elle est aussi la messagère de la mort. La façon dont elle a orchestré son départ en obligeant François Bayrou et Marielle de Sarnez à renoncer à leur nouvelle carrière ministérielle est un chef d’oeuvre d’assassinat politique. Il est de notoriété publique que ses relations avec ceux qu’elle considère comme les Thénardier du MODEM sont exécrables et marquées du sceau du mépris qui est bien pire que la haine. Elle n’est dans ce parti que par l’attachement aux valeurs européennes qui constituent sa colonne vertébrale idéologique. La seule question qui vaille maintenant
« Quant aux 30 malheureux députés socialistes, ils ne savent plus où ils habitent et montent vers le gibet qui les attend... »
est de savoir s’il s’agit d’un assassinat effectué en solitaire par Sylvie Goulard et dont le président de la République recueille passivement les fruits en se débarrassant d’encombrants et nuisibles alliés ou d’un complot ourdi de concert à l’Elysée. Je ne sais pourquoi j’ai tendance à pencher pour cette dernière version. Emmanuel Macron a fait du Prince de Machiavel son livre de chevet. A sa suite, il sait que le prince doit se mettre en situation de toujours supposer le pire chez ceux qu’il gouverne et qu’il faut donc user du pouvoir de ne pas être bon. Nous sommes donc rassurés : à la tête de l’Etat, nous avons un vrai méchant, qualité cardinale pour exercer le pouvoir durablement. Jeudi
Les employés des pompes funèbres sont donc arrivés et s’activent chez LR et au PS. A tout moment, les protagonistes peuvent prendre une balle perdue. Les Républicains pissent le sang et les socialistes sont à l’agonie. A tout moment, un reniement surgit. Christian Jacob a bien été réélu président du groupe LR avec voix mais Damien Abad, partisan d’une opposition moins systématique, en a obtenu . D’ores et déjà avec les constructifs partis autour de Thierry Solère, la ligne dure, voulue par le peut-être futur président de Les Républicains Laurent Wauquiez, a perdu la moitié de ses troupes. Quant aux malheureux députés socialistes, ils ne savent plus où ils habitent et montent vers le gibet qui les attend sans même esquisser un geste de révolte. Vendredi
Les mailles du filet deviennent bien serrées autour de François Bayrou. Les témoignages sont de plus en plus concordants sur le détournement objectif qu’a constitué l’utilisation de collaborateurs payés par le Parlement européen pour faire fonctionner le MODEM. Dans le journal Sud-Ouest, le Béarnais est obligé de convenir qu’il a opéré une exfiltration massive des salariés de son parti vers son groupe parlementaire européen au motif qu’il « traversait une mauvaise passe ». Il a certes la consolation d’avoir constitué – grâce au chantage exercé sur le candidat Macron- un groupe d’une quarantaine de députés qui vont lui amener quelques subsides mais qui le lâcheront sans pitié si la machine judiciaire le rattrape. Son affidée, Marielle de Sarnez, a été rattrapée par la patrouille. Deux de ses proches ont décroché des postes de sous-ministres mais n’ont aucune surface médiatique pour assurer sa protection. Après Sarkozy, Juppé, Fillon, Valls, Montebourg, Hamon, Cambadélis et tant d’autres, le monument aux Morts de la Grande Guerre - a vu s’inscrire le nom de François Bayrou. Samedi
Richard Ferrand est élu à l’unanimité moins deux abstentions à la tête du groupe LREM de l’Assemblée nationale. Comme on peut espérer qu’il a eu l’élégance de ne pas voter pour lui-même (quoique…), il y a donc dans ce groupe un traître abominable, un immonde renégat, un félon perfide qui n’a pas sacrifié – mollement, j’en conviens – à la mise sur le pavois de l’homme désigné par le président de la république. Y aurait-il un frondeur dans la majorité présidentielle ? !!! La question se pose.