Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La «Route impériale» de l’Empire

- ANDRÉ PEYREGNE ANTHONY SALOMONE

Dans l’Antiquité, un siècle av. J.C., la route Nationale  s’appelait Via Aurelia, longeait la côte depuis Rome et était prolongée jusqu’à Narbonne. Un témoignage de sa présence est le Trophée des Alpes à la Turbie, au-dessus de Monaco. Les voies romaines étaient les plus rectiligne­s possibles, dallées aux approches des villes, en terre ailleurs, jalonnées de bornes militaires tous les  mètres. Il a fallu ensuite attendre la fin du XVe siècle pour que le réseau routier s’organise en France, sous l’impulsion du roi Louis XI. Il s’agissait de transporte­r le courrier. Des relais de poste jalonnaien­t les routes. Sous l’Empire, elles ont été classées et numérotées. La Nationale  s’est d’abord appelée « Route impériale » numéro . En , Napoléon fait ouvrir la « Grande Corniche », permettant d’aller de Nice en Italie. «Nationale7 historique, Provence»)

La difficulté du Muy franchie, on pouvait reprendre de la vitesse. Est-ce parce qu’on se sentait soudain libre qu’on devenait imprudent ? On froissa beaucoup de tôle et on se tua dans le « virage des Castagnier­s », de sinistre mémoire, à Roquebrune-sur-Argens. C’est non loin de là, dans la plaine de Fréjus, qu’aura lieu au matin du 5 juillet 1964, un accident dont on a beaucoup parlé et dont la cause n’a jamais été élucidée : une Volvo noir et blanc immatricul­ée en Suisse s’écrase contre un platane. Jean-Claude SaintAubin, 22 ans, et sa passagère, Dominique, 18 ans, meurent. Les parents de Jean-Claude, des bijoutiers de Dijon, enquêtent. L’« Affaire Saint-Aubin » durera trente ans et ne sera jamais élucidée. Certains ont même évoqué un mensonge d’État. Le jeune homme aurait été la cible, par erreur, des services secrets Aujourd’hui, la Nationale  a perdu son nom. Elle ne s’appelle ainsi que dans l’Allier, l’Isère et la Drôme. Ailleurs, elle est devenue route départemen­tale. Dans le Var, la route départemen­tale a été exceptionn­ellement numérotée DN,

français. Un témoin a vu un camion militaire, dissimulé en contrebas, démarrer brusquemen­t pour barrer la route à sa Volvo. Il aurait été confondu avec un activiste de l’OAS qui devait rouler sur cette même route dans une voiture de même marque, de même couleur, elle aussi immatricul­ée en Suisse. On n’a jamais su, on ne saura jamais.

 : le péage à  francs

Après Fréjus, on s’élance dans l’Estérel. Cent quatre-vingt-trois virages attendent les vacanciers entre les chênes-liège pour arriver jusqu’à Cannes. En 1961, sera ouvert le premier tronçon de l’autoroute, de Puget-sur-Argens à Mandelieu. 2 francs (0,30€) : la première autoroute à péages de France ! Après Cannes, voici Antibes-Juan-lesPins. La RN7 longe la pinède, où sera créé en 1960 le Festival du Jazz. La Nationale 7 traverse ensuite Nice au pour conserver l’appellatio­n N dans son nom. Dans les Alpes-Maritimes, elle est numérotée D , sauf sur le territoire de la Métropole Nice-Côte d’Azur, où elle porte le numéro M . long de la rue de France, puis s’engage sur la Grande Corniche qui s’élève jusqu’à la Turbie, au-dessus d’un des plus beaux panoramas maritimes du monde. On atteint là, à près de 700 mètres d’altitude, le second point culminant de la Nationale 7 – le premier se situant au col du Pin-Bouchain, entre les départemen­ts du Rhône et de la Loire. Enfin, l’arrivée sur Menton. On voit au loin le clocher de la basilique Saint-Michel, avec son campanile et son toit de tuiles vernissées. Les contrefort­s montagneux, làbas, appartienn­ent déjà à l’Italie. La Nationale 7 est arrivée à son terme. Neuf cent quatre-vingt-seize kilomètres ont été parcourus depuis Paris jusqu’à Menton. À 60 km/h de moyenne et avec les bouchons, certaines familles ont passé plus de 24 heures sur la route.

■Les habitants de Sigale, petit village de la vallée de l’Estéron, étaient bien en avance sur la modernité lorsqu’ils ont bâtieleur fontaine en . Mais au XIX siècle, ils ont préféré disposer d’une horloge plutôt que de l’eau courante.

La fontaine de Sigale raconte presque à elle seule l’histoire de ce village de moyenne montagne des Alpes-Maritimes, situé à 600 m d’altitude, dans la vallée de l’Estéron. Nathalie Héron, responsabl­e de l’important fond d’archives de la mairie, est intarissab­le sur le sujet : « Datée de 1583, elle est l’une des rares du départe- ment à avoir été construite avant le XIXe siècle, époque d’une vaste campagne d’hygiène et de salubrité publique ». Au XVIe siècle, Sigale est riche et dynamique et a donc les moyens de s’offrir cette fontaine de prestige. Les siècles passent et les habitants prennent l’habitude de boire, laver leur linge et abreuver leurs animaux dans cet endroit névralgiqu­e situé sur la place. Ils vivent en autarcie, loin de Nice, située à 36 heures de charrette et où ils vendent leur huile d’olive. Si le village a possédé très tôt une fontaine, il est paradoxale­ment l’un des derniers de la région à obtenir le raccordeme­nt de ses maisons à l’eau potable.

L’eau arrive au robinet en 

À la fin du XIXe siècle, les habitants ont pourtant l’opportunit­é de s’offrir cet équipement indispensa­ble par le biais d’une participat­ion financière de Raphaël Bischoffsh­eim, célèbre député des Alpes-Maritimes. Mais ils choisissen­t de s’offrir une élégante tour équipée d’une horloge ! Les paysans préfèrent connaître l’heure quand ils travaillen­t aux champs. Ce choix révèle l’importance de la vie agropastor­ale de cette contrée. Denise Blanc, 80 ans, originaire de Sigale, a quelques anecdotes : « Le berger Imbert gardait les chèvres des villageois qui, en échange, le nourrissai­ent. Il faisait sonner son lambi [gros coquillage] pour qu’elles le rejoignent à la fontaine ! Les parapets étaient plein de puces ! » À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’eau dans les maisons se fait regretter. Mme Pellat, l’ancienne maire du village âgée de 81 ans, garde en mémoire le grave épisode de sécheresse de cette période trouble : « Les pompiers nous montaient l’eau et les habitants faisaient la queue, même pendant la nuit, pour remplir leurs arrosoirs de 10 litres ! » Heureuseme­nt, l’adduction d’eau en 1956 permet aux Sigalois de ne plus souffrir de la soif. Les anciennes sources sont abandonnée­s et le nouveau captage se fait à Végay, de l’autre côté de l’Estéron, en versant nord du Cheiron, au-dessus de la plus haute cascade du départemen­t, haute de 140 mètres. Livre disponible auprès des éditions Arcades Ambo. Le Val de Sigale, Michel Orcel, avec la collaborat­ion de Marc Tanzi (2015, prix : 35, 5€). par

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