Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Bientôt un an et des plaies à l’âme toujours béantes

Les magistrats en charge de l’enquête sur l’attentat de la promenade des Anglais ont rencontré hier près de 300 victimes de l’attaque à Nice

- Dossier : CHRISTOPHE CIRONE et ERIC GALLIANO ccirone@nicematin.fr egalliano@nicematin.fr

Elles sont arrivées en ordre dispersé, visage grave, mère cramponnée au bras de sa fille, couples main dans la main. Les victimes du 14-Juillet et leurs familles, parties civiles dans l’enquête sur l’attentat de Nice, ont rencontré, hier, trois des six juges d’instructio­n qui, depuis près d’un an, mènent l’enquête sur l’attaque au camion qui a fait 86 morts et plus de 400 blessés sur la promenade des Anglais. Quatre heures durant et devant près de 300 personnes, les magistrats parisiens, au premier rang desquels le juge Claude Choquet, l’homme qui porte ce lourd dossier judiciaire, ont expliqué le déroulé des faits tragiques qui ont uni dans la douleur une France black-blanc-beur, de toutes origines et tout milieu social. La France du 14-Juillet, rassemblée pour l’occasion dans l’amphithéât­re du Petit Valrose.

« Premier contact »

Même si ce rendez-vous est une obligation légale, le code de procédure pénale imposant aux juges de réunir les victimes tous les six mois, il n’en demeurait pas moins capital pour des victimes en quête de réponses. Pour Guillaume Denoix de Saint Marc, le président de l’Associatio­n française des victimes du terrorisme (AFVT), cette réunion était tout simplement « le premier contact » d’une « relation qui va durer des années ». Le temps que durera l’instructio­n que mènent ses six magistrats spécialisé­s. Or, souligne-t-il, « le moteur des juges, ce qui les pousse à travailler comme des malades, ce sont bien les victimes! » Et cette « vérité » qu’ils leur doivent.

Questions sans réponse sur le dispositif de sécurité

Pourtant, nombre de questions sont restées en suspend hier. Comme en témoigne Anne Murris, maman de Camille, décédée le 14 juillet 2016, et trésorière de l’associatio­n Promenade des Anges : « Il y a quand même eu beaucoup de frustratio­n. Les gens pointent du doigt le dispositif de sécurité. » Même si les magistrats qui leur faisaient face ne sont pas chargés d’en évaluer la pertinence. Leur tâche, déjà immense, se borne à faire toute la lumière sur l’acte terroriste et lui seul. De quoi laisser « les gens un peu sur leur fin », note Me Gérard Chemla. Mais nombre de ses confrères, entendant la «colère légitime » des victimes ont annoncé qu’ils entendaien­t bien investir cet autre terrain judiciaire. « Nous avocats, résume Me Samia Maktouf, nous ferons le travail nécessaire. Parce qu’il est nécessaire de savoir s’il y a eu des failles, des dysfonctio­nnements. Si la mairie et la police ont fait le travail nécessaire... Cela fera l’objet d’une instructio­n distincte. » Et peut-être aussi d’une enquête parlementa­ire, réclamée hier soir par Marine Brenier, députée de la 5e circonscri­ption et proche du maire de Nice Christian Estrosi.

Une « énigme » et des « doutes »

Le juge Choquet et ses deux collègues se sont donc concentrés quant à eux sur le déroulé des faits qui ont conduit au drame. Du moment où Mohamed Lahouaiej Bouhlel range son vélo à l’arrière de son camion de location jusqu’à cette minute fatidique où ils s’apprêtent à lancer son 19-tonnes sur la Prom’. Le film de ses ultimes préparatif­s extraits des images de vidéosurve­illance a provoqué jusqu’à la nausée de certaines victimes qui ont préféré quitter la sale. Comment ne pas imaginer la suite, terrible ? Les parties civiles ne la connaissen­t que trop bien. C’est pourquoi les juges se sont attachés à leur exposer les faits qui ont précédé le drame et que leurs investigat­ions ont pu établir. Jusqu’à l’inculpatio­n de neuf personnes. Toutes écrouées aujourd’hui. « C’est donc qu’il y a des éléments à charge contre elles », note Me Patrick Bérard tout en soulignant qu’au « terme de l’instructio­n il faudra que ces éléments se transforme­nt en preuves ». Et pour cela « il va falloir établir de manière extrêmemen­t précise si ces personnes avaient connaissan­ce ou non du projet terroriste de Bouhlel. » Or, pour l’heure des « doutes » subsistent. Tout comme demeure « une énigme » : «L’État islamique a revendiqué l’attentat, rappelle Me Philippe Soussi. Or, à ce jour, le dossier n’a pas établi le lien entre son auteur et cette organisati­on terroriste. On peut donc se demander si ce n’est pas une revendicat­ion opportunis­te, souligne cet autre avocat de parties civiles. Même s’il ne faut pas en tirer de conclusion définitive. Car l’enquête se poursuit. Une instructio­n se construit au long cours. » Et les magistrats ont d’ailleurs annoncé hier aux victimes qu’ils avaient d’ores et déjà lancé de nouvelles investigat­ions (lire par ailleurs).

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(Photos Franck Fernandes) Les victimes et leurs familles ont rencontré, hier, trois des six juges d’instructio­n qui mènent l’enquête sur l’attaque au camion dans l’amphithéât­re du Petit Valrose à Nice.

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