Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Un Premier ministre hors sol
Le séisme présidentiel n’a pas fini de provoquer des répliques à la fois dans la classe et dans le système politiques. La journée d’hier a confirmé la force du vent de renouvellement qui souffle sur le pays avec la retraite annoncée de Jean-Pierre Raffarin et l’incapacité de Manuel Valls à réunir quinze députés progressistes autour de lui pour former un groupe parlementaire. En quelques heures, deux anciens Premiers ministres, têtes d’affiche de ces dernières années, sont sortis de la lumière. Les pages se tournent désormais en accéléré. Les institutions sont, elles aussi, soumises à un véritable chambardement. Pas dans les textes mais dans la pratique qui se développe sous nos yeux. Le poste de Premier ministre avait été conçu en comme un bouclier protégeant le président de la République. S’était développée la théorie dite du fusible : le chef du gouvernement prenait les coups et avait vocation à sauter dès lors que, affaibli, il ne remplissait plus ce rôle. Le quinquennat a conduit les deux derniers présidents à s’exposer beaucoup plus souvent en première ligne. Matignon restait, cependant, un rouage politique capital car son hôte était le chef de la majorité parlementaire. Il était, d’ailleurs, issu de ses rangs même lorsqu’il était désigné sans être passé par la case de la députation comme Georges Pompidou en ou Raymond Barre en . L’un et l’autre appartenaient à l’une des familles politiques formant la majorité à l’Assemblée. Avec Edouard Philippe, la situation est complètement différente. Le chef du gouvernement n’a aucun parti derrière lui. Il n’appartient pas à La République en marche (REM), parti du Président, contrôlé à l’Assemblée par Richard Ferrand, proche parmi les proches du chef de l’Etat. Certes, un groupe fait de parlementaires UDI et Républicains, baptisé “les constructifs”, s’est formé mais il ne pèse rien puisque la REM n’a pas besoin de lui, pas plus d’ailleurs que du Modem, pour avoir la majorité. Bref, c’est un Premier ministre hors sol qui dirige le gouvernement. Quelle est, dans ces conditions, sa marge de manoeuvre ? En vérité, infime. Il est là pour exécuter les désirs du chef de l’Etat. Tout est fait pour qu’il ne soit qu’un maire du palais. Même ses relations avec les ministres sont court-circuitées : l’Elysée a choisi le directeur de cabinet de chacun des ministres. Autant dire qu’ils traiteront en direct avec l’équipe présidentielle. Certes, on dit que les deux hommes s’entendent parfaitement. Une rengaine, en vérité, vieille comme la Ve République. L’Elysée et Matignon finissent toujours par entrer en concurrence, voire en conflit. Surtout, aucun des prédécesseurs d’Edouard Philippe n’a été à ce point isolé. Edouard Philippe, combien de divisions ? Pas une à l’horizon.
« Il est là pour exécuter les désirs du chef de l’Etat. »