Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Agnès Varda : « Les gens sont beaux ! »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr

VISAGES, VILLAGES D’Agnès Varda & JR (France). Durée :  h . Genre : documentai­re Notre avis :

C’est l’histoire d’une rencontre entre deux jeunes artistes : Agnès Varda, 89 ans et JR 34, ans. La première fait des films depuis soixante ans (La Pointe courte) comme si c’était toujours le premier. Le second colle ses photos grand format sur tous les murs du monde. Ensemble, ils sont partis à la découverte des gens de France, avec une prédilecti­on pour les villages et les petites routes qui y conduisent. Ils en ont tiré un film charmant (litre notre avis). À Cannes où Visages, Villages a reçu une standing ovation de vingt minutes, puis à Paris, où on les a retrouvés à la Fondation Cartier, toujours aussi complices et drôles, Agnès et Jean René nous ont raconté leur aventure à deux voix…

Comment vous êtes-vous rencontrés ? Agnès Varda : Je connaissai­s son travail, tout le monde me disait qu’on s’entendrait bien. JR : Agnès sort beaucoup et elle voit plus de gens que moi ! [rires] Elle est venue à l’atelier et, entre nous, ça a matché immédiatem­ent. On a tout de suite parlé de faire quelque chose ensemble.

C’était quoi le projet de départ ? A. V. : L’idée, c’était d’approcher des anonymes pour les faire connaître dans ce qu’ils ont de mieux. JR : Dans les villages, les gens se connaissen­t tous. On ne va pas rendre le facteur célèbre : il l’est déjà. Ce qu’on voulait, c’est leur faire regarder leurs voisins différemme­nt. A. V. : Ce qui m’a frappée tout de suite, sur les photos de JR, c’est que les gens sont beaux !

Est-ce que le film était scénarisé ? A. V. : Pas du tout. Nous nous sommes fiés aux indication­s de collaborat­eurs ou d’amis qui nous disaient : «Là, il y a quelqu’un que vous devriez rencontrer ». Mais le hasard a été notre meilleur auteur. On allait sonner à une porte et s’il n’y avait personne, on allait chez la voisine et là, c’était une super rencontre. L’écriture s’est faite au montage, avec les voix off et les petites transition­s dans lesquelles on fait un peu les clowns : lui avec ses lunettes noires qu’il ne veut jamais enlever, et moi avec ma coupe de cheveux bicolore.

Votre complicité est étonnante compte tenu de la différence d’âge… JR : Agnès est curieuse de tout et elle a une énergie incroyable. Je me souviens d’une fois où elle est venue à mon atelier, il y avait le rappeur Mos Def. Un mec très spécial que j’adore, mais pas facile. Elle a tout de suite commencé à lui poser des questions sur ce qu’il faisait. Mos Def s’est mis à lui parler d’untel qui s’était fait tuer à tel endroit, pensant peut-être la choquer. Elle lui a répondu qu’elle avait filmé les Black Panthers et les émeutes raciales dans les années soixante. Ça l’a séché. Agnès est très punk dans sa manière d’être… A. V. : Je suis très contente d’être vieille, parce que j’ai connu et vu beaucoup de choses. Plus on connaît de choses, plus on est capable de comprendre les gens. Je n’ai pas de nostalgie. De la mélancolie, ça oui. Mais si on me le proposait, je ne recommence­rais pas : c’était bien, mais ça va

comme ça maintenant…

Racontez-nous votre mésaventur­e avec Godard, à la fin du film… A. V. : Je voulais faire une surprise à JR, qui l’admire et qui me faisait penser à Jean-Luc avec ses lunettes noires. Mais, alors qu’il était censé nous recevoir, on a trouvé porte close. Il a bien fait, au final, de ne pas ouvrir : qu’est-ce qu’on se serait dit ? On s’aimait beaucoup autrefois, mais c’est très loin… JR : J’étais triste pour Agnès mais, au final, Godard nous a offert une scène merveilleu­se. C’est comme s’il avait écrit la fin du film.

Avez-vous pu voir Le Redoutable à Cannes ? A. V. : Oui, c’est un film intéressan­t. J’adore Louis Garrel, mais je suis gênée parce que j’ai connu Godard. Louis est trop grand,  est montré de façon rigolote et c’est trop lié à ma vie pour que je parvienne à décrocher de mes souvenirs…

Aviez-vous le sentiment de faire un feelgood movie ? A. V. : Non, mais c’est vrai qu’on me dit plus souvent merci que bravo ! [rires]

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(Photo Production)
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