Les martyrs de la Ve

Rien que hier, Raffarin a raccroché les gants de vieux sage de la droite tandis que Valls décrochait du socialisme pour ne plus représenter que lui-même à l’Assemblée nationale. Jospin est oublié. Villepin fait des affaires. Fillon devra se contenter de trois lignes dans les manuels d’histoire. Preuve qu’il est encore plus difficile d’être un ancien Premier ministre que chef du gouvernement en exercice dans un système où le chef de l’Etat se réserve les tâches les plus gratifiantes et les plus agréables de l’exécutif. Giscard, Mitterrand, Sarkozy et Hollande ont eu droit à l’Elysée sans être passés par Matignon. Pompidou et Chirac ont eu les deux. Barre, Fabius, Juppé ont eu Matignon mais pas l’Elysée. Corvéable jour et nuit, écarté des voyages officiels, souvent désavoué par le n°, le n° pâtit de l’injustice et souffre de l’ingratitude. Si l’on excepte la grand-croix de l’ordre national du Mérite au bout de six mois et la plaque de grand officier de la Légion d’honneur après deux ans, sa principale récompense réside dans la disposition à vie d’un chauffeur et lorsque ce dernier prend des vacances d’un accès gratuit aux transports en commun. Quand ils ont – rarement de leur plein gré – quitté le pouvoir, les martyrs de la Ve doivent s’employer à mettre en doute les compétences de ceux qui leur ont succédé et se plaindre que leur épouse n’ait pas eu le temps de voir pousser l’arbuste que, traditionnellement, on les invitait à planter à leur arrivée dans le

plus grand parc privé de la capitale.