Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’Abeille Flandre, assurancev­ie de la Méditerran­ée

Ce jeudi aura lieu la première journée nationale du sauvetage en mer. À cette occasion, nous avons embarqué à bord de l’Abeille Flandre, la légende flottante des remorquage­s désespérés

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

Àla passerelle, un détail attire le regard. Un petit chien en peluche avec un tonnelet accroché autour du cou rappelle que le remorqueur de haute mer Abeille Flandre a souvent été rebaptisé « le Saint-Bernard des mers » par les médias. Un surnom acquis de haute lutte dans les tempêtes hivernales de la pointe de Bretagne, le cap Horn du vieux continent… Lancé à la fin des années 1970, l’Abeille Flandre, quarante ans l’année prochaine, reste le plus glorieux des remorqueur­s d’interventi­on, d’assistance et de sauvetage (RIAS) de l’armateur Bourbon. Le remorquage désespéré du pétrolier Erika, déjà coupé en deux, ou celui du chimiquier Ievoli Sun, ont bâti sa légende…

Danger omniprésen­t

La colérique mer d’Iroise appartient désormais au passé. Depuis mai 2005, l’Abeille Flandre est en effet basé à Toulon. Sa mission première, elle, n’a pas changé : protéger la Grande Bleue de toute marée noire. « À chaque avis de coup de vent – une force 7 pendant plus de 24 heures – on appareille. L’idée est de se prépositio­nner au mieux. Au sud de la Corse par mistral. À la pointe Var (Porqueroll­es) ou à Sète par vent d’Est », explique Gilles Gaucel, l’un des deux commandant­s du Flandre. Mais en cette matinée de juin, point d’avis de tempête. Au contraire, un temps de curé règne sur la rade de Toulon et jusqu’à plusieurs milles au large. Certaineme­nt pas une météo à mettre l’étrave de l’Abeille Flandre dehors. Et pourtant, le « bateau courage », autre surnom gagné par le fameux navire, a rendez-vous avec la frégate furtive Aconit à 7 milles dans le sud du cap Cépet. « Il s’agit d’un exercice de remorquage avec un bâtiment militaire en stage de mise en condition opérationn­elle », précise le commandant Gaucel. Avant d’ajouter: « Mais on est en demande nous aussi ». L’Abeille Flandre a beau afficher plus de 200 remorquage­s au compteur, un exercice n’est jamais une perte de temps. « Quand on manipule des remorques en acier de 70 mm de diamètre et de 40 kg au mètre, le danger est toujours présent. Même par mer calme. Mieux vaut donc être parfaiteme­nt entraîné », commente le « tonton ».

Tout petit sous l’étrave

Sur le coup des 6 h 30, après avoir croisé un banc de dauphins bleus et blancs, l’Abeille Flandre arrive au point de rendez-vous. Par radio VHF, les deux commandant­s échangent sur la manoeuvre à suivre. « L’idée est de venir mettre le cul de l’Abeille sous le nez de l’Aconit », nous explique le commandant Gaucel. «Mais ce n’est pas grave, on sent bon », plaisante un marin. Exécution. Installé à la passerelle arrière, le commandant joue des machines et autres propulseur­s d’étrave pour s’approcher de l’Aconit. Plus facile à dire qu’à faire. « La frégate est trop légère. Le remous de mes hélices a suffi à la repousser ». L’expériment­é commandant se représente. Cette fois la poupe s’approche sans problème à 20 mètres de l’étrave du bateau gris. « On paraît tout petit. C’est encore pire avec des gros navires de commerce où on a vraiment l’impression qu’on va se faire écraser», confie le commandant. Armé d’un fusil lanceamarr­e, le bosco fait parvenir un messager sur la plage avant de l’Aconit. Ce dernier arbore deux boules noires dans sa mature, signifiant qu’il n’est pas maître de sa manoeuvre. La remorque est vite connectée au puissant treuil de l’Abeille Flandre. Ne reste plus qu’à l’allonger lentement. Pour l’exercice, la remorque ne dépassera pas 400 petits mètres. On est loin des 1000 ou 1 500 mètres en situation réelle. « La longueur de la remorque joue le rôle d’amortisseu­r et permet d’absorber les à-coups provoqués par la mauvaise mer », explique Gilles Gaucel. Un peu après 8 heures, après à peine plus d’une demi-heure de remorquage, l’exercice est jugé concluant. Chaque bateau retrouve alors sa liberté. Les jours suivants, à la demande de la Préfecture maritime de la Méditerran­ée, l’Abeille Flandre participer­a à un exercice antipollut­ion ou effectuera une patrouille pour surveiller nos approches maritimes. À moins qu’un violent coup de vent ne l’oblige une nouvelle fois à partir au secours d’un navire en détresse…

 ?? (Photos Valérie Le Parc) ?? L’Abeille Flandre ne se contente pas d’attendre les forts coups de vent. Quand la météo est plus clémente, ils multiplien­t les sorties en mer au profit des bâtiments militaires ou assure la surveillan­ce des approches maritimes.
(Photos Valérie Le Parc) L’Abeille Flandre ne se contente pas d’attendre les forts coups de vent. Quand la météo est plus clémente, ils multiplien­t les sorties en mer au profit des bâtiments militaires ou assure la surveillan­ce des approches maritimes.
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