Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Elle restera vivante
Simone Veil, c’était la mort, et c’était la vie. La mort, parce qu’elle avait été, à ans, pas encore sortie de son adolescence à Nice, plongée dans un univers de cadavres vivants, de corps calcinés, de femmes et d’hommes rongés jusqu’à l’épuisement dans une permanente odeur de chair brûlée. C’est dans l’horreur des camps de concentration qu’elle a vu mourir sa mère, tandis que, séparée de son père, elle n’a pas su pendant des années où et quand il avait été abattu. Elle et sa soeur en avaient réchappé, décharnées, détruites, par miracle. Mais Simone Veil n’en avait pas encore fini avec la mort. Plus tard encore, bien après Auschwitz et Bergen-Belsen, elle a perdu une soeur, dans un accident de voiture, puis un de ses trois fils à ans, une autre soeur enfin, quelques semaines avant le décès de son mari, et son mari, Antoine, avec lequel elle était mariée depuis l’âge de ans. Un destin tragique, dans lequel toute autre que Simone Veil se serait mille fois écroulée, et pourtant un amour de la vie d’autant plus fort, peut-être, qu’elle avait côtoyé la mort de si près. Simone Veil aimait la vie de toutes ses forces, elle aimait sa famille, ses amis, tout en appréciant aussi la vie publique extraordinaire qui fut la sienne, ministre, puis première présidente de l’Assemblée européenne, puis membre du Conseil constitutionnel. Elle n’aimait pas les honneurs pour les honneurs, et détestait les hochets de la politique. Elle était avant tout une combattante au service de ses idées : celle de la réconciliation franco-allemande qu’elle jugeait nécessaire, essentielle pour que jamais plus l’Europe ne soit en guerre. De la cause des femmes aussi, avec la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, aujourd’hui passée dans les moeurs, elle a été à la fois le principal artisan et le symbole. De la barbarie à la modernité, Simone Veil a tracé son chemin. Elle restera vivante.
« Un destin tragique, dans lequel toute autre que Simone Veil se serait mille fois écroulée. »