Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

De l’intrusion de la maladie dans la vie à la précarité

L’histoire de Sarah, c’est celle de milliers d’hommes et de femmes vulnérable­s que la maladie vient précipiter dans la précarité. La niçoise veut lancer une chaîne de solidarité

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Il y a les chiffres : une personne sur trois perd ou quitte son emploi dans les deux années qui suivent le diagnostic de cancer. Ces chiffres pourraient parler d’eux-mêmes. Mais, ils ne sauront jamais dire le vécu de ceux confrontés à cette double peine. Sarah a du mal à aller au bout de son témoignage ; sa voix s’étrangle, les larmes jaillissen­t qu’elle essuie hâtivement, gênée. Jusqu’en septembre dernier, la quinquagén­aire niçoise, divorcée et sans enfant, est employée d’une structure d’aide à domicile. Un métier difficile, un salaire modeste mais qui lui permet, après de nombreux petits boulots, de s’installer dans un petit appartemen­t, et de vivre décemment « en réglant toutes ses factures ». Début octobre, en se palpant, elle se « découvre une boule dans le sein ». Tout s’enchaîne assez vite. Interventi­on chirurgica­le. Radiothéra­pie. « On m’avait d’abord annoncé que je n’avais pas besoin d’autres traitement­s, mais comme j’avais des ganglions atteints, on m’a prescrit de la chimiothér­apie. » Sarah refuse. Opérée en décembre, elle quitte rapidement l’établissem­ent hospitalie­r. « J’étais déjà à découvert, les indemnités journalièr­es (IJSS) ne s’étant pas enclenchée­s tout de suite, ma situation financière s’est rapidement aggravée. J’ai dû monter un dossier de surendette­ment. » Pendant deux mois, elle bénéficier­a d’un complément de salaire, mais devra ensuite se contenter de 862 euros par moi, soit 50 % de son salaire brut. « J’ai voulu reprendre le travail dès le 7 mars, en mitemps thérapeuti­que.» Parce que ça lui semblait important d’un point de vue psychologi­que, mais aussi, surtout, pour sortir de «ses galères financière­s ».

« J’ai peur de la rue »

« Le médecin du travail a donné son accord, mais en précisant que je ne devais par réaliser de soulèvemen­t avec mon bras droit [zone de prélèvemen­t des ganglions]. » « Incohérent », m’a répondu l’entreprise qui m’emploie. «Nous sommes une structure de soins à domicile, il faut retourner des matelas, on ne peut vous reprendre dans ces conditions. Remettez-vous en arrêt de travail, et si, lors de la prochaine visite à la médecine du travail, la restrictio­n est levée, on pourra vous reprendre». Situation kafkaïenne, alors que la femme supplie qu’on lui trouve un poste qui ne la contraint pas à utiliser le bras opéré. «Je suis repartie en pleurant », se souvient Sarah. Inscrite à la Banque de France, privée de carte bancaire, elle s’enfonce. « L’argent arrive au comptegout­tes, j’obtiens quelques aides financière­s qui me permettent de combler pendant quelque temps les déficits, et puis je retourne à la situation antérieure. » Si Sarah a souhaité nous rencontrer, c’est pour alerter sur la « double peine ». Celle dont sont frappés les malades socialemen­t plus fragiles que les autres, les travailleu­rs précaires, les employés de PME, les indépendan­ts… Chez eux, le cancer peut rapidement entraîner une chute de revenus. Quand ce n’est pas la perte d’emploi… « La précarité, c’est demain pour moi… J’ai du mal à payer mon loyer. J’ai peur de la rue», conclut Sarah. Avant de nous confier une mission : relayer la chaîne de solidarité qu’elle entend lancer Comme une bouteille à la mer. 1. m.marchetto0­6@gmail.com

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(DR) Sarah a souhaité conserver l’anonymat.

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