Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La convocation du Congrès par Macron fait du remous
Face au Parlement, le chef de l’Etat énoncera cet après-midi les grandes lignes de sa politique. Simple exercice du pouvoir ou dérive monarchiste ?
Emmanuel Macron s’adressera, aujourd’hui à partir de 15 h, au Congrès, à Versailles, pour tracer les lignes de force de son quinquennat, une initiative controversée, boycottée même par certains, à la veille du discours de politique générale du Premier ministre, ainsi court-circuité. A 15 h, le chef de l’Etat rejoindra l’Aile du Midi du château de Versailles pour s’adresser solennellement aux deux chambres du Parlement réunies et, à travers elles, aux Français. Cette prise de parole répond à un engagement pris lors de sa campagne pour l’élection présidentielle. Elle est permise par l’article 18 de la Constitution, depuis sa révision le 23 juillet 2008 voulue par un certain... Nicolas Sarkozy ! Une sorte de « discours sur l’état de l’Union » comme celui prononcé chaque année par le président américain, a expliqué le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner. Au président, « les grandes orientations », au Premier ministre, leur « mise en oeuvre », a-t-il résumé. Mais ce partage des rôles n’est pas du goût de tous parmi les 577 députés et 348 sénateurs conviés à Versailles. Quelquesuns manqueront à l’appel, à commencer par les députés du groupe La France insoumise ainsi que l’ensemble des parlementaires communistes. Pour Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, Emmanuel Macron « franchit un seuil dans la dimension pharaonique de la monarchie présidentielle » en ravalant son Premier ministre au rang de « collaborateur » en le devançant de vingt-quatre heures.
Une vraie rupture avec Sarkozy et Hollande
Interrogé par L’Obs, le constitutionnaliste Dominique Rousseau voit dans la convocation du Congrès un retour aux fondamentaux de la Ve République souhaité par Emmanuel Macron : « Depuis son entrée en fonction, Emmanuel Macron tente de resacraliser la fonction présidentielle, de remettre de la solennité dans l’exercice du pouvoir. De ce point de vue-là, il y a une vraie rupture avec ses deux derniers prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, dont les quinquennats avaient pour le coup énormément manqué de solennité. On leur a d’ailleurs beaucoup reproché. » Avant la réforme constitutionnelle de 2008, a rappelé Christophe Castaner, il était « d’usage » que le « président s’adresse à sa majorité » par un message lu par le Premier ministre devant le nouveau Parlement. « François Mitterrand l’avait fait dès juillet 1981, le général de Gaulle, Jacques Chirac, Georges Pompidou, tous l’ont fait, sauf François Hollande et Nicolas Sarkozy », a-t-il fait valoir. Toutefois, Emmnanuel Macron envisage de renouveler cette communication solennelle à l’occasion de chaque anniversaire de son investiture, en maijuin. Quoi qu’il en soit, ce discours sera d’autant plus attendu que la parole du chef de l’Etat, abondante sur la scène internationale, s’est faite particulièrement rare sur la scène intérieure depuis son investiture, le 14 mai.
Pas d’interview pour le -Juillet
Emmanuel Macron a de surcroît fait savoir qu’il n’accorderait pas d’interview à l’occasion du 14-Juillet, rompant avec une tradition de quarante ans initiée par Valéry Giscard d’Estaing. Sur le fond, son adresse qui devrait longuement évoquer la réforme du marché du travail pourrait ainsi prendre une dimension similaire à celle, restée célèbre, de Gerhard Schröder, le 14 mars 2003. Annonçant l’« Agenda 2010», le chancelier allemand de l’époque avait promis du sang et des larmes à ses compatriotes mais pavé le chemin du retour au plein-emploi outre-Rhin. Le discours d’Emmanuel Macron pourrait faire écho aussi au «Jobsact» de l’Italien Matteo Renzi ou aux réformes libérales engagées par David Cameron en Grande-Bretagne. Demain, ce sera au tour d’Edouard Philippe de détailler la feuille de route gouvernementale devant l’Assemblée.