Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

“Pour que le concert marche, il faut qu’il y ait un dialogue” Le Thoronet

Chanteur au verbe riche, Gaël Faye s’est aussi lancé dans l’écriture de romans. Samedi soir, le Burundais de naissance se produira aux Nuits blanches. Un univers à découvrir

- PROPOS RECUEILLIS PAR VIVIEN SEILLER antibes@nicematin.fr

Il a commencé par s’excuser pour son (léger) retard au moment de l’entretien. Question de principe. Puis il s’est lancé avec passion dans ce qui constitue sa vie : l’écriture. Prix Goncourt des lycéens pour son roman Petit Pays, paru en 2016, Gaël Faye est avant tout un chanteur aux textes profonds. Né au Burundi de père français et de mère rwandaise, il a longtemps trouvé l’apaisement par la musique. Samedi, il se produira sur la scène des Nuits blanches au Thoronet, après avoir passé l’après-midi à échanger avec des lycéens qui l’ont étudié à Raynouard. Rencontre avec cet artiste complet.

Chanteur, compositeu­r, interprète, écrivain. Comment doit-on vous définir ? Je préfère le terme d’auteur, que ce soit pour les chansons ou les romans. On termine par définir ce que l’on fait, mais ça ne se décide pas. Ça vient comme ça [rires]. On commence par gribouille­r une phrase, deux phrases et puis les chanter. Après il faut se définir, faire une fiche Wikipédia [rires].

Il y a une « étiquette » que vous mettez plus en avant ? Ma passion, c’est l’écriture. J’essaie d’en explorer toutes les formes. Rapper, déclamer, scander… J’ai commencé par la poésie, à  ans. J’ai écrit des nouvelles, des pièces de théâtre, des scénarios de films. Et dernièreme­nt, je me suis essayé au roman.

C’est plus facile de transmettr­e son message par la musique ou par un roman ? Ça reste un mystère pour moi. Ça dépend des personnes. Certains sont plus perméables à des messages à travers la musique, d’autres par le roman. C’est une question de sensibilit­é. Je fais aussi un style de musique qui peut rebuter beaucoup de gens, qui disent « je n’aime pas le rap » et qui finissent pas être hermétique­s aux textes. C’est une question qui reste en suspens.

Vous avez toujours eu cette richesse du verbe ? À  ans, j’écrivais comme on écrit à l’adolescenc­e, dans une forme d’urgence, dans des moments pas très joyeux. C’était une forme de survie, d’apaisement. C’est la musique qui m’a libéré de ça. À  ans, j’ai formé mon premier groupe de rap. Là, l’écriture commence à devenir un jeu. Je me passionne pour les jeux de mots, pour les sonorités de la langue. C’est la passion du verbe, de la langue française qui est arrivée à ce moment-là.

On ressent une vraie influence de vos origines dans vos textes… Beaucoup de gens font du rap. Si on décide de porter notre parole publiqueme­nt, il faut le faire en se disant que ce que l’on écrit, personne ne l’a fait avant. Si un autre FrancoRwan­dais ayant grandi au Burundi avait écrit, peut-être que je ne me serais pas permis de raconter mon histoire. On écrit toujours les chansons ou les romans qu’on aimerait lire. Au début, on le fait pour soi. Et on se rend compte que les albums parlent à d’autres personnes, des gens qui me remercient.

Corneille, Stromae, ça vous parle ? Bien sûr. On n’a pas les mêmes trajectoir­es, mais on vient d’une même blessure, celle du génocide. « Papaoutai» de Stromae, la première fois que je l’entends, je suis ému aux larmes. C’est une chanson qui parle d’un père qui n’est pas présent. Elle a cette force universell­e. Beaucoup d’artistes viennent d’une blessure et chacun trouve ses mots.

Au sujet de votre livre, vous disiez : « Je l’ai écrit beaucoup plus en souriant qu’en pleurant ». Une façon de positiver ? Pas de positiver, mais c’est en opposition à la catharsis. Je me Bernard Lavilliers Therapie Taxi Dominique Mahut Banda du dock

Gael Faye Radio Elvis Ladi Sir (Gaétan Roussel & Rachida Brakni) Les Orusins (ex The Urchins) suis « débarrassé » des fantômes de mon enfance. Je n’ai pas eu de difficulté­s à écrire ce roman, à retourner sur les traces de mon enfance. Au contraire, c’était un plaisir, de la magie. Bien sûr, il y a eu quelques passages compliqués à écrire. Mais ce n’est pas mon histoire directe. J’avais envie d’un livre lumineux que l’on referme en gardant un souvenir d’une enfance heureuse.

Dans une chanson, vous dites « viens dans mon monde ». Comment vous le définiriez, votre monde ?

Préventes :  € la soirée les  et  juillet.  e le dimanche  juillet. Pass  jours :  €

Points de vente habituels Rens http://www.les-nuits-blanches .fr Je dirais que c’est un archipel. Je ne crois pas aux continents. Aujourd’hui, nous sommes tous des mondes en miniature, donc des archipels. Un rassemblem­ent d’îles. C’est le lien qu’il y a entre nous qui fait qu’on existe. On n’existe pas tout seul. J’apporte ma petite pierre à l’édifice mais je n’ai que de valeurs parce que j’entretiens un dialogue avec le public, ma famille, mes amis. Mon monde, c’est le lien.

Comment le public peut-il rentrer dans votre monde ? Par le dialogue. Un public qui vient me voir en se disant : «On attend de voir ce qu’il va dire et on réagira », ça ne marchera pas. Pour que le concert marche, il faut qu’il y ait un dialogue. Je dois faire tomber mes murs et mes frontières, mais l’autre doit aussi s’ouvrir à moi pour que cet instant puisse exister. « Entre dans mon monde », ça veut dire enlève tous les masques de sociabilit­é. On se met tous des carapaces. C’est un des maux de notre époque.

On écrit les romans qu’on aimerait lire ”

1. Comme Gaël Faye, les chanteurs Corneille et Stromae sont originaire­s du Rwanda, pays marqué par le génocide de la population tutsie en 1994.

 ?? (Photo DR) ?? Pour l’écriture de son roman, Gaël Faye est retourné sur les traces de son enfance. Avec de la magie dans les yeux.
(Photo DR) Pour l’écriture de son roman, Gaël Faye est retourné sur les traces de son enfance. Avec de la magie dans les yeux.

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