Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Perturbate­urs endocrinie­ns: l’Europe définit les critères

Les Etats sont tombés d’accord, hier, sur un texte. Si Nicolas Hulot admet qu’il « ouvre une brèche », le ministre estime que le combat n’est pas gagné « définitive­ment »

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Le texte voté, hier, à Bruxelles pour définir les perturbate­urs endocrinie­ns (PE) est « une brèche » ouverte dans la lutte contre ces substances nocives, s’est félicité le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, même si ce texte n’est « pas parfait ». « Dans ce front, qui fait face à une résistance des lobbies, une résistance culturelle aussi parfois, une brèche est ouverte, qui ne va pas se refermer », a réagi le ministre, pour qui « il faut aller plus loin […] On a gagné une bataille mais pas la guerre ». Au terme de leur septième réunion en un an, les États de l’Union européenne se sont accordé sur un texte définissan­t les perturbate­urs endocrinie­ns dans les pesticides. Un petit groupe d’États, dont la France, refusait jusqu’ici d’adopter le texte proposé par la Commission, qui imposait une charge de preuve si élevée qu’il excluait de fait de nombreuses substances.

Certains pesticides non exemptés

Après d’intenses discussion­s avec la Commission, l’Allemagne et d’autres États, le ministre français explique avoir obtenu plusieurs avancées : notamment que les PE présumés (et pas seulement avérés) soient inclus dans la définition, ainsi que la mention de danger « plausible ». En revanche, « ce sur quoi on n’a pas gagné », c’est la suppressio­n d’exemptions sur certains pesticides, en l’occurrence ceux conçus comme des perturbate­urs endocrinie­ns, ajoute M. Hulot. « Les Allemands n’ont pas voulu », selon lui. « J’ai hésité, mais j’ai contré ce handicap en actant auprès du Premier ministre, avec la ministre de la Santé Agnès Buzyn, qu’on pourra unilatéral­ement interdire ces substances sur notre territoire » après avis de l’agence sanitaire (Anses), ajoute-t-il. « Nous, nous appliquero­ns un principe de fermeté. » Selon lui, « le texte était insuffisan­t en l’état mais si je ne le votais pas, on laissait encore plus longtemps sur le marché des produits dont la dangerosit­é était avérée ». Par exemple, « cette horrible substance 2,4-D qui entre dans la compositio­n de l’agent orange », cite-t-il. Nicolas Hulot a précisé que l’Europe apportera «50M pour financer la recherche indépendan­te sur les PE ». En France, la liste des pesticides contenant des PE sera rendue publique avant le 14 juillet par les ministères de la Transition écologique et de l’Agricultur­e, « afin que citoyens, agriculteu­rs et profession­nels puissent, en l’attente de l’entrée en vigueur concrète de l’exclusion européenne, orienter leurs choix d’achats », ont annoncé les deux ministères. Et « à partir de maintenant on va accélérer toutes les réévaluati­ons », a indiqué M. Hulot. Les produits « resteront encore un temps sur le marché », mais les consommate­urs seront informés des risques, le gouverneme­nt étudiant la possibilit­é d’un étiquetage.

« Un goût amer »

Une campagne de communicat­ion et un site internet à destinatio­n du public seront lancés. « On évalue, on regarde, on ne laissera “aucun trou dans la raquette” », a assuré M. Hulot. Enfin « le gouverneme­nt donnera aux agences [sanitaires] françaises les moyens financiers pour lancer des études indépendan­tes sur les dangers de substances à enjeux », loin des études des industriel­s, soulignent les ministères de l’Environnem­ent, de la Santé et de l’Agricultur­e dans leur communiqué commun. Mais pour l’ONG Génération­s Futures, la France a « permis l’adoption de critères insuffisan­ts ». « Nous sommes déçus que la France n’ait pas souhaité poursuivre son bras de fer avec la Commission européenne pour améliorer la propositio­n », affirme l’ONG. Quant à la Fondation pour la nature et pour l’Homme (ex-Fondation Hulot), elle trouve à cette définition européenne des PE « un goût amer », regrettant le « traitement de faveur accordé aux pesticides » via les dérogation­s.

 ?? (Photo AFP) ?? Nicolas Hulot a déclaré, hier, avoir «obtenu que l’Union européenne revoie sa stratégie pas seulement sur les pesticides mais aussi sur les emballages, les cosmétique­s, les jouets ».
(Photo AFP) Nicolas Hulot a déclaré, hier, avoir «obtenu que l’Union européenne revoie sa stratégie pas seulement sur les pesticides mais aussi sur les emballages, les cosmétique­s, les jouets ».

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