Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

“TANT QU’IL Y A DE LA COMMUNICAT­ION IL Y A DE L’ESPOIR”

AMIRA 28 ANS

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encore plus attachée à ma ville et à ma région.” Une région qu’elle avait un temps envisagé de quitter, après son divorce. Depuis l’attentat, elle s’est davantage ouverte aux autres. “Je suis musulmane, croyante et je n’ai pas ressenti de racisme, mais une petite méfiance. Alors, ça me pousse à aller encore davantage vers les gens, à discuter. Je communique beaucoup plus. Tant qu’il y a de la communicat­ion, il y a de l’espoir.” Elle parle. Pour apaiser. Tenter d’éviter les amalgames. “Je comprends la douleur, et c’est vrai que les attentats ont été commis par des musulmans, mais il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac.” Si le Cros-de-Cagnes est son port d’attache, elle multiplie les voyages depuis un an. “La vie ne tient qu’à un fil, je me dis qu’il faut pleinement en profiter.” Elle désigne le planisphèr­e accroché au dessus du canapé de son salon. Elle a planté des petits drapeaux dans les villes et les pays qu’elle a visités. Londres, Dublin, Amsterdam, Rome,

Venise, Lisbonne… “J’ai peur du terrorisme, d’aller dans la foule, mais cette peur ne m’empêche pas de vivre. Au contraire. Et tous ces voyages me donnent confiance. Ce n’est pas à cause de Daesh que je vais me priver. Je veux que ma fille s’ouvre à toutes ces cultures. Qu’elle porte en elle cette richesse.”

“Le 14 juillet, je voulais aller avec ma fille sur la Prom’, mais finalement elle est restée chez son père et je suis sortie au Port Saint-Laurent avec des amis.” Quand l’un d’eux reçoit un appel de sa soeur paniquée. “Un camion a foncé sur la foule, il y a des morts”. Amira file chez elle, pour mettre

sa tenue de secouriste. Et traverse la ville. “Tout était bloqué, j’ai cru que je n’arriverai jamais à la caserne de Riquier. On a préparé les ambulances, et nous sommes partis vers la Prom’. Il y avait des gyrophares partout, et un silence effroyable.” Des images qui ne la quittent pas. “Même quand j’y passe en plein jour, je revois ces lumières rouges et bleues.” Au petit matin du 15 juillet, elle rentre chez elle. “Il fallait que je serre ma fille dans mes bras.” Avant de repartir à la préfecture, pour répondre aux appels des familles. “J’avais besoin d’être utile, c’est ma ville qui a été touchée.” Pendant deux semaines, elle se met en disponibil­ité de son métier d’aide-soignante pour porter assistance aux victimes et à leurs proches. Au centre de la rue Gubernatis. “C’est là que je me sentais à ma place.” “Je n’ai pas perdu de proches, mais c’est comme si j’avais perdu une partie de moi.” Une cicatrice encore vive. Alors, Amira a pris du recul avec son engagement de secouriste. “Je ne suis pas retournée à la protection civile. Je crois que j’ai encore besoin de temps. Ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui, je suis

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Photos Franz Chavaroche

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