Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Je n’ai aucune conviction »

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Fin 2014, à l’occasion de la sortie d’un livre, le juge Jean-Michel Lambert [ci-contre en 1984, il avait 32 ans], était revenu sur l’affaire Grégory. Voici un résumé de l’interview qu’il avait accordée à l’Agence locale de presse (ALP).

Qui a tué le petit Grégory ? Seule une cour d’assises pourrait le dire. En tout cas ce n’est sûrement pas moi qui pourrais vous le dire.

On peut être certain qu’une personne a fait quelque chose sans pouvoir l’établir juridiquem­ent... La réponse est la même.

Vous ne voulez pas donner un nom ? Ah ! bien sûr que non !

Mais vous avez bien une petite idée... Non, non, non, je ne dirai rien là-dessus.

Vous n’avez aucune conviction ? Non, non, non ! Je n’ai aucune conviction.

Pourquoi avez-vous, au cours de l’enquête, dessaisi les gendarmes au profit de la police judiciaire ? Pour des raisons dont je n’ai pas envie de parler parce que ce serait aborder le fond du dossier. C’est parce que les gendarmes vous avaient menti ? Je refuse d’entrer dans le fond du dossier. Je ne dirai rien d’autre.

La police judiciaire a été saisie. Et c’est la brigade des stupéfiant­s qui a été chargée de l’affaire, pas la brigade criminelle. Bizarre, non ? Non ce sont des enquêteurs de la brigade des stupéfiant­s qui étaient sous la direction du commissair­e Corazzi de la brigade criminelle. Et puis c’étaient les meilleurs enquêteurs...

Regrettez-vous d’avoir placé Bernard Laroche en détention provisoire [il a été libéré trois mois après et abattu par le père du petit Grégory] ? À partir du moment où j’ai estimé qu’il y avait des indices graves de culpabilit­é, il était normal de l’inculper et de le placer en détention.

Vous ne le regrettez pas ? Avec les éléments dont je disposais au départ, non.

À l’époque, soit. Mais aujourd’hui ? Ce n’est pas la bonne question. Ce que je souhaite dire, et c’est ce que je dis dans le livre et c’est le plus important, c’est qu’à l’époque, j’étais le seul juge d’instructio­n à Épinal de début septembre au  décembre . Cette année-là, j’ai eu  dossiers à instruire alors que d’habitude ça tourne autour de  -  dossiers. Donc c’était une charge de travail énorme. En plus, à cause de la présence des médias, nous n’avons pas pu travailler dans la sérénité indispensa­ble à la conduite de toute procédure criminelle ou correction­nelle.

Les progrès techniques et les tests ADN auraient-ils permis de démasquer le meurtrier du petit Grégory ? Bien sûr.

Vous avez eu à subir dans votre carrière l’emballemen­t médiatique. Quel est votre sentiment ? C’est profondéme­nt nuisible à la sérénité indispensa­ble dans toute procédure pénale.

Et c’est pire aujourd’hui ? Sûrement. Avec la multiplica­tion des média s accompagné­e d’une concurrenc­e effrénée. Et avec une informatio­n qui circule encore beaucoup plus rapidement.

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