Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Unis pour Nice

Nice a rendu hier un poignant hommage, avec émotion et dignité, à ses  vies fauchées. Riches en symboles, les cérémonies ont été empreintes de solennité, de fraternité et de recueillem­ent.

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Après le plus poignant des Nissa La Bella, interprété par le Choeur d’enfants de l’Opera de Nice, et avec une douceur infinie, le coeur immaculé des anges se matérialis­e. Lentement... Il faut entendre, écouter, supporter, une fois de plus, ces 86 noms claquer dans le silence. Et accepter, encore, les sanglots qu’on ne peut contenir. Ils s’appelaient Jocelyne, Bruno, Natalya, Mehdi, Rickard, Thérèse, Fatima, Kylan... Ils avaient 92 ans, 4 ans, 46 ans, 71 ans... Ils avaient des gens à aimer. De belles choses à accomplir. Ils avaient la vie devant eux. Litanie interminab­le. Invivable, comme si c’était la première fois. Et, à chaque nom, hier, le coeur de Nice s’est serré un peu plus. Même l’Ave Verum de Mozart a préféré s’effacer pour se faire plus discret...

« La lumière qui dissout les ténèbres »

Puis la tribune, figée, a observé une minute de silence. Debout, d’une seule humanité. Ce silence, ici, et seulement ici. Et plus jamais sur la Promenade des Anglais... Sous le velum protecteur, bleublanc-rouge, le temps est suspendu pour les familles de victimes venues assister à l’hommage, hier, place Masséna. Ces hommes, ces femmes, ces pères et mères, ces enfants, condamnés au manque brutalemen­t, injustemen­t, imposé par un tueur fou. C’était le 14 juillet dernier. C’était il y a un an. C’était hier. Aujourd’hui. Et pour toujours dans la vie des Niçois. Pauline Murris, de l’associatio­n Promenade des Anges, avance sa frêle silhouette pour lire le plus joli, le plus juste des textes. Voix brisée, elle revit la « Promenade de la vie ». Elle parle de ceux

« qui rêvaient d’un monde aussi juste que leurs joies simples ». Elle

évoque les enfants, les parents aimants et les amoureux qui s’étreignent. Jusqu’au ciel noir. Jusqu’au « camion qui a foncé dans la foule et déchiré la France ».

Pauline, soutenue par le pupitre, avec un vrai courage, chuchote

« l’espoir de ceux qui ont aujourd’hui du mal à rêver mais qui marchent dans la même direction ».

Et qui savent, heureuseme­nt, que

« seule la folie des hommes est à blâmer ».

Elle espère – tous espèrent – «la lumière qui dissout les ténèbres dès qu’elle saisit le courage et le coeur des hommes ».

Les pleurs d’Elsa

Avant elle, des artistes, face à cette mosaïque de drames individuel­s réunis dans un destin collectif, avaient solennelle­ment lu un texte de Jean-Marie-Gustave Le Clézio, l’enfant du pays. Des mots, que l’écrivain niçois, prix Nobel de littératur­e, a écrits le lendemain de l’attentat. Son exutoire à lui. Sa façon de rendre hommage. Il y a la Niçoise Michèle Laroque, bouleversé­e, Patrick Timsit, si grave, le sage Michel Legrand, et un Patrick Chesnais, troublé. Puis, Michel Boujenah raconte «le

crime monstrueux », avant une Elsa Zylberstei­n, émue aux larmes. Enfin, la tendresse ébranlée de Line Renaud qui « maudit l’assassin », et la force de François Berléand qui s’interroge : « Comment pouvons-nous écarter le voile du néant pour tenter de retrouver la

vie ?». Une phrase qui résume avec une terrible justesse le combat permanent des familles depuis un an. Leur deuil, sans fin. Leur nécessité, leur difficulté à avancer avec l’absence pour horizon. Des familles à qui le président Macron s’est adressé. « La France s’est mise à l’unisson de votre douleur. Nous avons oublié le nom de cet anonyme meurtrier, mais nous avons appris le nom de nos morts. » Tout comme il a honoré, hier, le « peuple de Nice », à qui il a rendu un vibrant hommage, dont il a souligné la force, le courage et la dignité. Un discours au cours duquel il n’a rien voulu occulter. Rien masquer. « Je ne tairai pas ici ce soir les reproches qui se sont fait jour après l’attaque. La colère de beaucoup s’est concentrée sur la puissance publique. Et j’ose vous le dire comme chef de l’État : je comprends cette colère », a lancé le président de la République. Quant à Christian Estrosi, dans une touchante sobriété, il a mis des mots sur cette nuit tragique. Sur Nice, plus jamais comme avant. Sur ces 86 innocents assassinés. Mais il a tenu, aussi, à chaleureus­ement remercier « les héros anonymes qui ont accompagné les victimes avec tant de courage, tant de compassion, tant d’efficacité, tant de bienveilla­nce ». Ces 42 héros qui venaient, dans la première partie de la cérémonie, d’être décorés par le Président Macron, par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, par Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, ou encore par Eric Ciotti. Des remises de décoration sous les yeux des deux anciens chefs d’État, Nicolas Sarkozy et François Hollande, unis au côté de SAS le Prince Albert de Monaco.

Traînées bleu-blanc-rouge de la patrouille de France

Légion d’honneur, ordre national du Mérite, remises à des gardiens de la paix qui ont tout tenté pour arrêter la course meurtrière du camion. A des sapeurs-pompiers, des hospitalie­rs, à pied d’oeuvre toute la nuit auprès des victimes. A de simples citoyens que la peur a transcendé­s. Comme Franck Terrier, celui qui, à scooter et au péril de sa vie, a tout essayé pour arrêter le massacre. Le Niçois est fait chevalier de la Légion d’honneur par Christian Estrosi. La tribune, debout, lui rend hommage. Reconnaiss­ante. Les Niçois ont envie qu’il le sache. Franck Terrier est longuement ovationné... C’est à 16 h 30 que l’hommage national avait débuté avec le passage en revue des troupes et un défilé de l’avenue Felix Faure à l’avenue de Verdun, afin de rendre les honneurs militaires au président de la République. Puis le vol si spectacula­ire des Aphajet de la Patrouille de France et de l’escadron02.008 « Nice ». Et leurs traces aux couleurs de la France. Ce bleu-blancrouge qui s’est, pianissimo, dispersé dans le ciel.

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 ??  ?? A gauche, Chlioui Adel, gouverneur de Sousse et à droite, N’Cho Vincent, vice-gouverneur d’Abidjan, deux villes jumelées avec Nice, victimes d’attentats.
A gauche, Chlioui Adel, gouverneur de Sousse et à droite, N’Cho Vincent, vice-gouverneur d’Abidjan, deux villes jumelées avec Nice, victimes d’attentats.
 ??  ?? Les artistes, avec Daniel Benoin pour chef d’orchestre, ont lu, un texte poignant du pric Nobel niçois, Le Clézio.
Les artistes, avec Daniel Benoin pour chef d’orchestre, ont lu, un texte poignant du pric Nobel niçois, Le Clézio.
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 ??  ?? Franck Terrier, le héros au scooter est décoré de la Légion d’honneur par Christian Estrosi.
Franck Terrier, le héros au scooter est décoré de la Légion d’honneur par Christian Estrosi.
 ??  ?? Anciens présidents de la République et nouveau, réunis pour rendre hommage au peuple de Nice.
Anciens présidents de la République et nouveau, réunis pour rendre hommage au peuple de Nice.
 ??  ?? Le défilé terrestre hier, devant les Niçois, avant le défilé aérien.
Le défilé terrestre hier, devant les Niçois, avant le défilé aérien.

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