Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Tour de force

Sans surprise, le Français n’a jamais pu lutter pour le maillot jaune, mais il a perdu sa 2e place au profit d’Uran et sauvé la 3e pour une seule petite seconde

- ROMAIN LARONCHE

L’impression­nant Chris Froome n’est plus qu’à  kilomètres de sa e victoire dans le Tour de France après le contre-la-montre à Marseille qui a failli tourner au désastre pour Romain Bardet.

Il y a bien eu un suspense insoutenab­le hier vers 17 h 30, au moment où Romain Bardet a pénétré dans le stade Vélodrome tout acquis à sa cause. Mais ce stress, cette tension n’ont pas été provoqués par une possibilit­é de sacre ou même par son duel contre Rigoberto Uran, qu’il devançait de seulement 6 secondes. Ce match serré attendu entre les deux hommes n’a jamais eu lieu. Dès le premier temps intermédia­ire, au palais du Pharo après 10,2 km, l’Auvergnat avait déjà lâché 19 secondes à son rival. Un gouffre rédhibitoi­re, malgré une ultime frayeur du Colombien à l’entrée du Vélodrome qui l’obligea à déchausser. C’est tout simplement le podium que le Français a sauvé in extremis. Pour une seule petite seconde, devant Mikel Landa, qui pointait pourtant à 1’13’’ avant le chrono. Diminué physiqueme­nt, le leader d’AG2R est passé à côté de ce grand rendez-vous. Jamais dans le rythme, sa montée de NotreDame-de-la-Garde a paru interminab­le. Lui-même l’a comparée à « un supplice ».

« Avec la tête plus qu’avec les jambes »

« Je suis à bout, fatigué, j’ai tout donné, lâchait-il quelques minutes après cet effort violent, affalé au sol, le maillot ouvert et le visage blême. Je ne suis pas bien depuis quelques jours, j’ai le système immunitair­e en délicatess­e, j’ai pris froid dans les étapes alpestres et aujourd’hui (hier) j’ai payé la note. Je n’étais pas dans le match, j’ai fait le chrono avec ma tête, plus qu’avec les jambes. J’ai eu un peu de réussite pour conserver la 3e place, je suis content ». Voilà l’essentiel. À 26 ans, Bardet montera ce soir, sauf contretemp­s, pour la deuxième fois consécutiv­e sur le podium des ChampsÉlys­ées. Une performanc­e inédite depuis 20 ans pour un Français (Virenque). Avant ce chrono, le natif de Brioude avait tenu la cadence de Chris Froome pendant 3414,5 km. Une sacrée performanc­e. Les 22,5 km d’hier étaient ceux de trop. Mais le protégé de Vincent Lavenu a permis de faire vivre à tout un pays un rêve de victoire finale lors du dernier week-end de la Grande Boucle. Là encore, celui qui enchaîne un quatrième top 10 consécutif dépoussièr­e les livres d’histoire. Il y a 28 ans que la France n’avait pas pu vibrer aussi longtemps dans l’épreuve. Depuis que LeMond avait privé Fignon d’un troisième titre pour huit secondes. C’était déjà sur un chrono. Un exercice que les Français vont détester. Sauf que le scénario d’hier ne laissera pas les mêmes regrets que celui de 1989. Tout simplement parce que Chris Froome était trop fort pour ses adversaire­s. Le Britanniqu­e a connu une victoire bien plus laborieuse que ses trois précédente­s, il n’a pas été le plus fort en montagne (lire le chiffre), repart sans succès d’étape, mais il reste le maître de l’effort solitaire. Hier, il lui a manqué 6 secondes pour remporter l’étape, dominée par Maciej Bodnar, un spécialist­e, et deux fois moins pour rattraper Romain Bardet.

« Je sais que j’ai progressé »

À 32 ans, il signe un quatrième succès en cinq ans dans le Tour et démontre qu’il demeure le boss du mois de juillet. Mais le temps ne va pas jouer en sa faveur. Ses 4’05’’ d’avance de 2016 ont largement fondu en douze mois et sa marge de manoeuvre s’est fortement réduite. « Je ne me préoccupe pas de la Froome. Je sais que j’ai progressé, c’est ce qui me réjouis, affirmera à froid Bardet. J’ai lutté à armes égales en montagne, je n’ai jamais été distancé. C’est très bon pour le moral,

pour me battre pour le maillot jaune à l’avenir ». Froome ultra-dominateur sur tous les terrains, c’est certaineme­nt du passé. Bardet a senti une faille et ce n’est sûrement pas le seul. Quintana reviendra sans Giro dans les pattes, Dumoulin voudra aussi s’y frotter, Uran, Aru et pourquoi pas Barguil ou Pinot auront sûrement les mêmes intentions. Froome rêve de rejoindre le club des quatre hommes aux cinq titres (Anquetil, Merckx, Hinault, Indurain). La nouvelle génération compte bien le priver de ce privilège. Tous ces hommes ont rendez-vous dans un an. On en salive déjà.

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Au bout du rouleau, Romain Bardet conserve tout de même in extremis une place sur le podium final. Merci Bonne Mère !
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(Photo AFP) Marseille a tranché : le dauphin du roi Froome s’appelle Rigoberto Uran.

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