Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Bedos de retour sur scène

Guy Bedos n’a pas résisté longtemps au plaisir de sortir de sa retraite active. Après avoir signé un livre, l’humoriste se prépare à revenir sur scène et scrute l’actualité d’un oeil rieur et sévère

- PROPOS RECUEILLIS PAR PAUL-HENRI COSTE phcoste@nicematin.fr

Le pas est plus lent, mais oeil rit toujours aussi vite… Et le verbe aiguisé fait envie aux gamins les plus vifs. À 83 ans, Guy Bedos, théoriquem­ent retraité des planches depuis cinq ans, prépare son retour sur scène. « Mais pour une revue de presse uniquement », précise le cabot, déjà impatient de planter ses crocs dans l’actualité qu’il suit avec rage. À Toulon lundi pour une rencontre avec ses fidèles, dans le cadre du festival « Les entretiens de l’été », il s’émeut du passé, grince du présent et prépare l’avenir… Y compris dans ce qu’il comporte de plus sombre.

Vous avez fait vos adieux à la scène il y a cinq ans… Et annoncez maintenant revenir… C’est une blague ? Je reviens, mais je ne me renie pas. J’ai fait mes adieux au one-manshow. Là, mon producteur me propose de faire une revue de presse en . Alors j’ai accepté, parce que j’ai envie de m’amuser. Et puis, comme malgré mon âge avancé, je suis plutôt en forme, je prends des notes et je fais travailler les abdominaux de la tête. Pensez-vous qu’Emmanuel Macron sera un bon client pour ces revues de presse ? Pour l’instant, je n’ai pas grandchose à dire sur lui. J’attends. Au départ, j’étais réservé, parce que, comme Valls, il se vante d’être un enfant de Michel Rocard. Moi, j’étais ami avec Michel. Et j’ai écrit que le papa ne les a pas reconnus. Mais aujourd’hui, je l’observe avec sympathie. J’ai d’ailleurs été bouleversé par la cérémonie de commémorat­ion à Nice. J’ai trouvé tout le monde très bien. Même Estrosi ! Si vous remontez sur scène, c’est parce que vous avez le sentiment que la relève n’est pas assurée ? Non, elle ne l’est pas. Je ne connais pas tous les jeunes prétendus humoristes, mais je ne suis pas très convaincu. Aujourd’hui, il y a très peu d’humoristes. Il y a beaucoup de comiques. Des comiques de bistrot ! Je ne les sens pas dans le rire de résistance. J’en suis resté à Desproges et Coluche. Desproges était mon frère. Coluche m’appelait « Papa ». Guillon, je l’ai bien aimé au début. Je lui trouvais un certain talent. Je le trouve maintenant très douteux. Comme je suis censé avoir lâché le métier, il m’a volé des choses, notamment la revue de presse qu’il fait comme moi. Ce n’est pas un hommage, c’est un vol.

Votre actualité pour l’instant, c’est la sortie du livre À l’heure où noircit la campagne Est-ce que vous écrivez pour le papier comme pour la scène ? Non, je n’ai pas cherché à faire rire dans ce livre. J’ai cherché à communique­r. J’écris comme je pense, comme je parle : droit devant moi.

Vous avez pourtant toujours voulu faire rire. Savez-vous à quoi répond cette envie ? Je n’ai pas le choix. C’est ma nature. Et puis j’ai rencontré des gens qui m’ont aidé à me trouver. Comme Prévert, qui était mon poète préféré depuis l’enfance et qui s’est entiché de moi après m’avoir vu débuter dans un cabaret. C’est lui qui m’a encouragé à écrire. Je me suis acheté un cahier le jour même.

Avez-vous analysé ce que ça vous apporte ? Ça a servi d’abord à me faire vivre. Je tiens du philosophe Kierkegaar­d, une phrase que j’ai adoptée : « L’humour est la politesse du désespoir ». J’ai passé ma vie à faire du drôle avec du triste. Au départ, je me suis exercé à l’humour en combattant mes propres parents. J’avais des parents racistes. Ma mère avait une photo du maréchal Pétain dans son sac. Ça ne m’empêchait pas de l’aimer. C’était ma mère… Mais je suis devenu un antiracist­e obsessionn­el. C’est quasi psychiatri­que. Que vous ont inspiré les propos du candidat Macron sur la colonisati­on, qualifiée de crime contre l’humanité ? Il est peut-être allé un peu fort, mais je ne suis pas loin d’avoir les mêmes idées. J’ai refusé de faire la guerre d’Algérie. J’ai failli aller en prison pour ça, mais j’ai été réformé pour maladie mentale. Plutôt crever que d’aller tirer sur mes copains.

Rire sert donc à combattre la colère? Non, pas seulement. On peut rire calmement. Je ne suis pas tout le temps en colère, mais je me suis octroyé la liberté de dire ce que je pense. Y compris lorsque c’est dangereux et que je peux déplaire. Je prends le risque de déplaire… Et j’y arrive très bien. Être détesté par les gens qui me détestent, ça me rassure.

J’écris comme je pense et comme je parle; droit devant moi ” Je prends le risque de déplaire... et j’y arrive très bien ! ”

Il vous faut des cibles pour qu’elles deviennent les victimes de vos éclats de rire ? Je ne prends pas ceux que j’attaque pour des victimes. Je les prends pour des gens puissants, ce qu’ils sont. Et je ne suis pas sectaire. Il y a des gens de droite qui me plaisent plus que certains prétendus hommes de gauche. Tout ne s’arrête pas à la droite et la gauche.

Votre nouvelle cible principale, elle se trouve d’ailleurs aux États-Unis… L’Amérique est notre alliée, mais Trump est un accident de l’Histoire. Si quelqu’un se débrouille pour l’assassiner, je m’habituerai (rires). Je suis toujours très nuancé…

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(Photo Dominique Leriche)

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