Archie Shepp: « Je vais vous raconter comment j’ai rencontré Coltrane »

Militant des droits civiques, compositeur, saxophoniste et chanteur de blues, Archie Shepp a marqué l’histoire de Jazz à Juan. En 1970, c’est là qu’il a participé à la naissance du free jazz. «J’ai retrouvé récemment, sur YouTube, ma performance avec le Full Moon Orchestra. Je ne l’avais jamais réécoutée. Je pensais, à l’époque, que ce set n’était pas très bon. J’ai été agréablement surpris, reconnaît le musicien. Il s’est passé tant de choses pour moi, ici, dans cette pinède. Presque toute mon histoire, sauf celle qui me lie à John Coltrane, mon mentor. Quoi que… En 1993, j’étais à Juan avec Ravi Coltrane pour rendre hommage à son père. Il y avait aussi Santana. J’ai toujours un profond respect pour la musique de John. Je viens d’ailleurs de la rejouer à Vienne avec un jeune pianiste. » Archie Shepp raconte le jour où il l’a rencontré pour la première fois. « C’était dans les années soixante, lorsqu’il jouait avec Thelonius Monk. J’étais vraiment tout jeune. Je suis allé à un de ses concerts. Je me suis présenté, seul, en lui disant que je voudrais discuter et avoir des conseils pour mon saxo. C’était quelqu’un qui aimait partager. Très simplement, il m’a donné son adresse. J’ai quitté le club à 5 heures du matin et, à dix heures, j’étais chez lui. Je ne voulais surtout pas arriver en retard. Mais il dormait encore. Je l’ai réveillé ! Il m’a ouvert la porte en tee-shirt. C’est drôle, habillé comme ça, il avait l’air plus petit que la veille. Son saxophone était posé sur un sofa. Il m’a demandé de l’écouter. Pendant dix minutes, il a interprété un extrait de Giant Steps. Puis il m’a demandé de jouer. Du coup, j’avais tellement peur que j’ai choisi un standard. Je crois que c’était What Is This Thing Called Love .Jenevoulais pas l’impressionner ; juste jouer et apprendre. » Le jeune Archie Shepp reçoit les conseils de Coltrane qui l’invite, peu de temps après, à participer à la session du disque Ascension en 1966. Ensuite Shepp s’envole alors vers une carrière qui va marquer l’histoire du jazz. Et s’il ne fallait retenir qu’une chose de son univers ? « Ceci : ma musique a toujours été une force révolutionnaire pour les droits, l’égalité, la liberté et la fraternité. »

(Photo Sébastien Botella)