Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Voyage en terrain brûlé:
Sur ce site classé, vallonné et jalonné de rectangles de vignes, l’incendie qui s’est propagé de Gigaro jusqu’au Cap Taillat, laissera des traces pour longtemps, dans la terre comme dans les têtes...
Hier, 16 heures. De la chaleur sous les pieds et les chaussures qui gondolent. Un sol en fusion. La terre, brûlée, s’éparpille à l’état de poussière. L’odeur de cendres imprègne des lieux devenus silencieux et inhospitaliers: l’Etna a ses cratères de lave, le Cap Taillat aura pour quelque temps ses sculptures végétales dont les branches figées semblent chercher désespérément de l’air vers le ciel. La nuit dernière, dans cette succession de vallons qui surplombe les Trois Caps, les arbres se sont transformés en torches flamboyantes transmettant le goût de la mort par capillarité. L’atmosphère était trop chaude depuis des semaines. Du vent en rafales ces deux derniers jours aiguisant l’appétit des flammes qui ont dévoré plus de 500 hectares en bout de course.
Ombres calcinées
Le jour d’après, la végétation méditerranéenne a été déshabillée de ses apparats d’été. Mise à nu. Une palette chromatique digne d’un tableau de Nicolas de Staël, du vert au bleu, mais les couleurs chaudes de ses paysages ont été remplacées par des aplats grisés. Sans âme. Même la mer s’est nappée de reflets plus sombres. Quant à l’ombre portée des pins majestueux, désormais en ordre clairsemé sur ce site naturel classé, elle est transpercée de faisceaux de lumière. La vigie, point culminant du site calciné, porte bien son nom. Son horizon est dégagé : à l’Ouest, ce poste d’observation plonge sur les collines de Gigaro beaucoup plus transparentes. Au SudEst, la vue s’étale, sans barrière naturelle. Des fumerolles signalent la présence du risque encore tenace. Comme des calumets de la paix semés par la nature tandis que les sapeurs-pompiers s’appliquent à noyer les multiples zones sensibles et les répliques. Notamment aux abords du chemin de la Tourraque. Dans la nuit de lundi à mardi, les camions d’intervention en file indienne ont fait barrage sur la piste afin que l’incendie ne s’échappe pas sur l’autre versant. Dans le talus, les pompiers exténués après 20 heures de lutte, reprennent leur souffle. La colline, elle, a perdu le sien. Le désastre écologique, vu du ciel, est saisissant. Le Cap Taillat aussi a été la proie des flammes.