Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Matthieu Chedid: «Chercher l’excellence, ça tire vers le haut»

- FRANCK LECLERC

Matthieu Chedid a un don de rassembleu­r. Sa musique est une potion magique qui donne de la chaleur et du bonheur. Après avoir mis en musique les pérégrinat­ions d’Agnès Varda et JR le mois dernier au cinéma, il a conclu vendredi soir le Nice Jazz Festival sur une autre invitation au voyage. Destinatio­n Mali.

Le Mali : une aventure qui dure ? Une aventure qui dure depuis treize ans. Mais je ne suis pas un vrai voyageur, moi. Tout se passe dans ma tête. Lamomali, c’est un voyage onirique autour de l’idée que je me fais de ce pays. J’y ai rencontré des âmes incroyable­s. Des musiciens qui sont surtout venus chez moi, dans mon petit studio à Paris. À partir de la vibration des instrument­s traditionn­els et des voix, j’ai imaginé un monde non pas naïf, mais un peu magique, pour mettre la lumière sur la beauté du Mali.

L’Afrique dans la peau, mais une Afrique fantasmée? Oui, c’est ça. Je ne suis pas du tout un spécialist­e de l’Afrique. Je suis allé trois fois au Mali et jamais très longtemps. Ce projet est moins lié à une expérience qu’à une envie. Peu de vécu mais une connexion immédiate. Comme Nice ou Paris, Bamako a souffert du terrorisme… C’est pour cela qu’il faut continuer à vivre. Ne surtout pas rester figé sur des sensations terrifiant­es qui inciteraie­nt à tout arrêter. C’est justement là que la musique ou la poésie – l’art et la beauté en général – peuvent nous sauver.

Comment naît la synergie ? De façon assez naturelle. Ce sont d’abord des rencontres humaines, puis des envies partagées. Un lâcher prise qui rend possible une sorte de voyage accompagné. Des musiciens me font confiance, on apprend à se connaître, chacun finit par se laisser porter. Ils savent que j’essaie de les mettre en lumière. Que l’idée est de faire un travail collectif. Qu’il n’est question en aucune manière de se mettre en avant. Je lance une passerelle, un pont pour amener à cette musique un public qui n’avait pas forcément conscience de la beauté de la kora, par exemple.

Cet instrument vous fascine ? Toumani Diabaté, qui est le maître de la kora dans le monde, rappelle que son fils Sidiki représente la soixante-douzième génération. Dans cette famille, on se transmet cet instrument de père en fils depuis le XIIIe siècle. Toumani dit aussi que sur vingtet-une cordes, il y en a sept pour le passé, sept pour le présent, sept pour l’avenir. C’est une façon de jouer avec le temps. Fier du succès de cette tournée ? Je m’amuse comme un enfant. Un enfant qui a la chance de réaliser des rêves incroyable­s. On parle des Diabaté mais nous avons aussi Fatouma Diawara, une des plus grandes chanteuses maliennes. Chercher l’excellence, ça tire vers le haut. Ce n’est pas une rigolade. On ne se moque pas des gens. Il se passe quelque chose de fort avec ce spectacle. On ne dit pas qu’on est géniaux, mais ce métissage entre l’Afrique, la tradition, la pop et le rock ringardise presque la world music. En tout cas, cela montre qu’il faut un peu d’audace parce que les gens l’attendent impatiemme­nt. Selfie ou autographe ? Je ne choisis pas, en général. Ça se fait naturellem­ent. J’aime faire plaisir aux gens.

Fusion ou effusion ? Les deux sont intéressan­ts… Mais la fusion, c’est important. Je suis assez sensible à l’alchimie et à l’idée que les choses puissent fusionner en une seule.

Matthieu Chedid ou -M- ? Je suis pour l’équilibre. L’erreur serait de choisir un camp. Ce qui est beau, c’est que tout est relié. Il faut surtout prendre tout.

Kora ou Pokora? Kora. Sans hésiter.

Père Goriot ou frère griot ? Je suis vraiment dans l’énergie des griots, en ce moment…

L’âme au Mali ou l’anomalie? Je crois que c’est ça : une belle anomalie devient Lamomali.

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(Photo Cyril Dodergny) « Il faut un peu d’audace, les gens l’attendent impatiemme­nt. »

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