Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’incompréhensible parcours d’un policier devenu assassin
Des portes closes, des visages fermés et un désarroi qui se lit partout. Hier, le commissariat central de Toulon, où Arnaud Daniel était en poste, était comme frappé de sidération. En civil, comme leur ancien collègue, ou sous l’uniforme, tous sont consternés. « C’est très lourd, un énorme gâchis. Trois familles frappées. On ne comprend pas», lâche un policier, amer. Deux jours après le double assassinat commis par l’un des leurs, l’onde de choc est sensible. Deux crimes commis avec une arme de service. Comment un flic est-il devenu meurtrier ?
Au central, « on l’appelait “costaud”»
« C’était un excellent fonctionnaire de police, il venait d’être avancé récemment, brigadier-chef », s’exclame un policier qui l’a bien connu. Et qui est stupéfait. « Il était le genre à avoir des “tontons” sur Toulon. » Comprenez, un policier bien renseigné, qui était beaucoup sur le terrain. « Ça a permis de démanteler des trafics de stups. Les collègues sont abasourdis, c’est un truc de fou,» dit-il. Affecté à la Bac de Toulon, service de jour « depuis plusieurs années», il était connu de tous, ici. Son surnom ? «On l’appelait “costaud”.» Ceux qui le connaissaient professionnellement n’arrivent pas à faire coïncider l’image de leur collègue avec les assassinats abominables qu’il a commis. Deux images, deux visages. Mais une seule réalité. Implacable. Installé à Cavalaire, où il avait fait construire sa maison, Arnaud Daniel vivait avec sa compagne, et les deux enfants du couple – 8 ans et 22 mois pour le plus petit. « Mais il était adorable, se navre une policière bouleversée. Calme, posé. Apprécié. » Pourtant, c’est bien cet homme-là qui a basculé. En passant du représentant de la loi, au criminel, tuant deux hommes désarmés. Dans une crise de jalousie et de démence devenue meurtrière. «Après, on ne connaît jamais vraiment la vie des gens. C’est en dehors du travail.» Aveu d’incompréhension totale.
Il avait son arme en arrêt maladie
Le policier Arnaud Daniel, 40 ans, était en arrêt maladie. Depuis un à deux mois. Si le motif médical de son arrêt n’est pas connu, on sait qu’il souffrait d’une affection grave, la sclérose en plaque. Et qu’il connaissait un état dépressif. « Mais comment a-t-il pu garder son arme de service avec lui ? Bien sûr qu’on ne l’a plus, son arme, quand on est en arrêt maladie. On se pose tous la question. »Et les questions pleuvent. Le SIG SAUER, pistolet de 9 mm, est l’unique arme des deux crimes. Neuf munitions ont été tirées. C’est bien là le point douloureux. Et sensible. « Les boeufs-carottes sont déjà là », glisse-t-on dans les couloirs.
Enquête de l’IGPN
Toute la journée d’hier, l’enquête de la police des polices a commencé au commissariat de Toulon. Les hommes de l’IGPN(1) ont commencé leurs interrogatoires. Notamment de chefs de service. Depuis les attentats de Paris, les policiers peuvent conserver leur arme sur eux, en repos, ou même en vacances. « La règle, c’est de le demander à sa hiérarchie, c’est une démarche personnelle, explique un gradé. On a la possibilité de la porter, mais avec autorisation de son chef de service.»
« Le suivi n’est pas systématique »
Quand un policier quitte son arme, il la dépose à l’armurerie, « au râtelier ». Dans une mallette individuelle, avec un code de sécurité, que seul le porteur de l’arme connaît. « Normalement, il y a un suivi sur les arrêts maladie, mais ce n’est pas systématique», reconnaît le gradé. Un syndicaliste poursuit : « Il arrive que l’administration envoie des collègues récupérer l’arme de quelqu’un en maladie. » Dans ce cas précis, que s’est-il passé ? On l’ignore pour l’instant.
« Acte effroyable »
Lucide, une policière se rend compte de la situation. « Les gens ne le connaissent pas comme nous, nous le connaissons. Ils réagissent de manière effroyable à un acte qui est effroyable. C’est proportionnel à l’acte commis. » Parmi les collègues d’Arnaud Daniel, on n’est pas sorti de la sidération. 1. Inspection générale de la police nationale