Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

San Paolo prêt à rugir

Cinquante-cinq mille Napolitain­s bouillants sont prêts à pousser leur équipe vers la phase de groupes de la Ligue des champions. Les Aiglons sont prévenus

- À NAPLES, WILLIAM HUMBERSET

Un soir de match ne passe jamais inaperçu au pied du Vésuve. Toute une ville entre en effervesce­nce et tous les regards se tournent vers le poumon de la cité : le stade San Paolo. Construit en 1959, ce n’est probableme­nt pas le plus beau des stades italiens. Mais du haut de ses soixante mille places, ce vétuste temple du calcio regorge d’émotions à quelques heures d’un coup d’envoi. A Naples, la passion est aussi inépuisabl­e qu’indescript­ible. Grâce aux deux Scudetti (1987 et 1990) et la Coupe de l’UEFA 1989 qu’il a décrochés durant ses trois ans en Campanie, Maradona a inondé de fierté tout un peuple. Etre sacré champion au nez et à la barbe des riches ténors de l’Italie du Nord, pour un Napolitain ça n’a pas de prix. Voilà déjà vingt ans que la deuxième ville la plus peuplée d’Italie (derrière Milan, mais devant Rome avec environ 4,5 millions d’habitants) attend de revivre pareil exploit. C’est pourquoi un rendez-vous de Ligue des Champions a toujours une saveur particuliè­re au San Paolo.

Un tremblemen­t de terre pour l’hymne de la Champion’s

Et la ferveur de toute une cité se résume en un cri : le «Champions» qui boucle l’hymne traditionn­el de la C1. A Naples, c’est devenu une habitude, ce «buato» (rugissemen­t) provoque de légers tremblemen­ts de terre dans le quartier du San Paolo ! Autre spécialité de San Paolo, la pernacchia, un sifflet particulie­r et strident destiné à faire perdre ses moyens à l’adversaire. Higuain, «le tradittore» (le traître), en a fait l’expérience lors de son retour très controvers­é sous le maillot de la Juve. Quand le Napolitain aime, il donne tout. Mais quand il déteste... il donne tout aussi pour fragiliser l’ennemi. C’est ainsi que de nombreux tifosi du Napoli ont pris pour habitude de klaxonner ou de tambourine­r sur des casseroles au pied de l’hôtel du futur adversaire à la veille d’une partie. Lors du dernier 8e de finale retour de Ligue des champions contre le Real, les Napolitain­s promettaie­nt l’enfer aux Madrilènes. Jusqu’à même distribuer des actes de décès au nom du club de Florentino Perez aux alentours du stade lors de l’après-midi du match. «C’est de la folie, atteste l’ancien Aiglon Anthony Mounier, aujourd’hui à Bologne. Karim (Benzema) m’avait même raconté que ce jour-là, au moins deux cents scooters avaient encadré le bus du Real jusqu’au stade !»

«Les gens se privent de manger pour aller au match ! »

Alain Boghossian a joué trois ans sous les couleurs napolitain­es (1994-1997). Et dans une récente interview, l’ancien internatio­nal français se souvenait encore de l’ambiance particuliè­re qui domine en Campanie. « Vous ne pouvez pas sortir dans la rue sans être approché, adulé. Même à mon époque, c’était déjà particulie­r. Alors aujourd’hui, avec une équipe au sommet en Serie A et en Ligue des champions… San Paolo, c’est grandiose. Même s’il y a la piste d’athlétisme autour du stade. Il y a quelque chose de spécial. Une atmosphère impression­nante. Les supporters se démultipli­ent au fur et à mesure que le match avance. On peut, en tant que joueur, se surpasser grâce à eux. Le public nous demande ce minimum de mouiller le maillot et d’être à la hauteur. On est obligé d’être à 200%. Le public est tellement derrière vous qu’après, dans la rue, vous savez que vous allez l’affronter. A moins de se cloîtrer chez soi. A Marseille, un joueur peut quand même se balader, aller au restaurant. A Naples, ce n’est pas possible. Les gens se privent de manger pour aller au match !» C’est dire si ce soir les Napolitain­s auront faim.

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