Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le maraîchage, une filière en difficulté
Avec 250 adhérents, AgribioVar représente une partie des agriculteurs bio du département. Outre l’appui technique aux professionnels, elle invite les citoyens, les associations et partenaires de la société civile à participer au mouvement bio en se joignant aux initiatives qu’elle mène localement et aux manifestations collectives, comme la campagne nationale «Manger bio et local, c’est l’idéal ». Et appelle les élus et collectivités à soutenir le développement local de la bio. Pour son président, Loïc de Saleneuve, « l’arbitrage ministériel est une très mauvaise nouvelle pour l’AB. On aurait voulu la sabrer, on n’aurait pas fait mieux. Le gouvernement cède aux lobbies de l’agrochimie, un modèle qui est une méconnaissance du monde ». S’estimant privilégié parce que vivant bien de sa production, cet éleveur et maraîcher, qui vend sur le marché de Saint-Tropez et aux restaurateurs du Golfe, plaide pour un autre système. « Plutôt que de donner des aides, même s’il ne faut cracher dessus, il vaut mieux regarder la comptabilité agricole. Pour avoir un SMIC, un maraîcher bio doit travailler au minimum 70 heures par semaine. Dans le maraîchage conventionnel, ceux qui s’en sortent ne font que deux ou trois légumes. Or la monoculture, ce n’est pas la nature. » Et de citer l’exemple des fraises : «Il existe plein de parasites et plus de 100 traitements autorisés en conventionnel, dont des molécules épouvantables. Mais à l’étranger, comment cela se passe-t-il? L’État ne fait pas son travail. Regardez ce scandale sur les oeufs. Moi, je n’ai jamais eu de poux depuis 30 ans sur mes poules. »
« Double discours des hommes politiques »
Le président d’AgribioVar estime que « le gouvernement veut noyer le poisson. On nous fait des grandes messes comme les États généraux de l’alimentation, mais cela n’aboutira à rien de bon. La bonne direction serait de demander aux chercheurs de l’INRA de travailler pour le développement de l’AB ». Pour convaincre les consommateurs qui bloquent encore sur les prix des produits bio, et les hommes politiques, « c’est un très long travail » qui commence par « les faire venir sur les exploitations ». Cette mission, il veut la mener « pour nos enfants ». En écho à son discours, Matthieu Vandamme, maraîcher bio à Bagnols-en-Forêt, témoigne d’un quotidien difficile. Installé depuis six ans, il a bénéficié de l’aide à l’installation, mais a renoncé depuis peu à se déclarer sur les aides PAC : « C’est à l’hectare, c’est une somme risible, environ 300€ pour un travail de déclaration important ». Son temps est trop précieux, à raison de 80-90 heures par semaine, sans jour de repos. «Il y a un double discours des politiques sur l’alimentation saine, l’AB, et en même temps, ils nous suppriment les aides européennes qui servent l’agriculture de masse. » La solution serait « une réévaluation plus juste des aides à l’hectare, en fonction de la surface d’une exploitation moyenne, pour que le maraîchage soit une filière durable ».
« Il faudrait une réelle prise de conscience »
Comme Loïc de Saleneuve, il estime que le consommateur doit se rendre compte de la réalité du terrain, du travail qu’il y a derrière un prix, pour acheter bio et local, pas seulement une étiquette AB en grande surface : «Il faudrait une réelle prise de conscience pour maintenir l’agriculture locale bio. Sinon, elle va s’effondrer. Nous, on fait de la qualité, dans le respect de la nature et on développe du tissu local, on ne travaille pas avec de la main-d’oeuvre étrangère sous-payée. » Lui vend en direct sur sa ferme, au marché, et livre quelques magasins dans un rayon de 30 km. Mais une fois ses deux salariés payés, il ne lui reste pas même le SMIC horaire. «Je n’ai pas de problème pour travailler dur, finir à la lampe frontale, mais ça ne permet pas de stabiliser l’exploitation, de faire vivre une famille. »