Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Jacques Héripret photographe au pied du Mur
Portraitiste de BB, Kennedy, De Gaulle ou Dali, le Parisien chaque été Tropézien, sort un livre de photos historiques sur la Guerre des six jours avant une biographie sur sa jeunesse marquée par 39-45
Hier, j’étais chez BB. On a les mêmes souvenirs de jeunesse. Les “boches” à Paris, la course au ravito, les alertes, les bombes… ». Installé devant un café sur une terrasse du vieux port, Jacques Héripret égrène les flashs d’une vie trépidante à grand renfort d’anecdotes, tout en savourant ses derniers jours tropéziens. S’il ne tire aucune gloriole d’avoir immortalisé et d’être resté proche de l’icône Bardot tout au long de sa vie (voir son livre de 2013 BB en liberté), celui que Dali surnommait « le photographe qui pense », avoue une fierté particulière pour l’ouvrage qui sort ces jours-ci Si je t’oublie jamais… Ô Jérusalem. Ce recueil, lié à une exposition itinérante pour les « 50 ans de la réunification de la ville sainte », donne à voir les images exclusives sur pellicules Ilford HP3 sorties de son Leica le 7 juin 1967. Les Israéliens viennent alors de reprendre Jérusalem-Est… « J’avais anticipé ce scénario, du coup j’étais seul ! Les autres photographes avaient choisi Amman. J’ai l’image du premier rabbin venu se recueillir au petit matin devant le Mur des Lamentations jusqu’à l’afflux d’une marée humaine juive qui attendait ça depuis 200 ans! Ces photos sont parues dans le monde entier. Jadis, elles ont fait l’actualité, aujourd’hui, elles font l’Histoire », sourit l’ex-gamin de Billancourt qui, en 1943, retrouva son immeuble décapité par les bombes allemandes.
Le Kodak à centimes
Sa condition le destine à un avenir sur les rails. Ouvrier chez Renault. L’achat aux puces, à 18 ans pour l’équivalent de 50 cts d’euros, d’un appareil Kodak, l’aileguillera
artiste-photographe... « Comme je suis une vieille souche qui raconte toujours tout un tas de trucs, un éditeur m’a proposé de coucher sur papier mes souvenirs. Ça m’a pris six ans. Je me suis appliqué car je ne voulais pas être chiant ! L’histoire stoppe en
1959. Si j’en vends 5 000, je raconterai la suite. Toutes les rencontres avec BB, Dali, Kennedy, Picasso, etc. », rigole-t-il en montrant la terrasse de Sénéquier où il immortalisa le père du cubisme voici 57 ans. « Je n’ai en tout et pour tout fait signer que trois de mes photos dans ma vie. Celles de Picasso, Charlie Chaplin et Kennedy venu rencontrer De Gaulle à Paris au printemps 61 », se souvient Jacques qui offrit un tirage au jeune président américain flatté.
Passer de Brigitte Bardot à la Guerre du Vietnam
S’il avoue avoir égaré bon nombre de ses négatifs historiques, ses années à Paris-Presse et en agence sont marqués par une bougeotte irrésistible…
« Une fois un sujet bouclé, il me fallait une alterna- tive opposée. C’est comme ça qu’après le tournage à Almeria avec BB, je me suis retrouvé en pleine guerre du Vietnam, épisode que j’ai enchaîné avec un sujet sur la faune sauvage en Tanzanie, Ouganda, Kenya, etc.», énumère ce bourlingueur invétéré qui continue les « voyages au milieu de nulle part ». Seule idée fixe, farfouiller dans les entrailles de son point de chute pour en exhumer une réalité méconnue. Aujourd’hui, toujours armé de son cher Leica, il ne boude pas un boîtier numérique Canon qu’il aligne au côté du Nokia vermoulu qui lui sert de portable pour échanger avec ses amis du golfe de St-Tropez. « Pour tout dire, je possédais de longue date une maison à La Garde-Freinet. Je l’ai revendu après les incendies de 2003. J’ai vu les flammes de près… Le feu représente une peur ancestrale chez moi….», confesse droit dans les yeux l’homme-objectifs qui depuis, coule des étés paisibles dans une location grimaudoise au côté de son épouse, l’ex-mannequin Patty Patrick. Leur mariage à Saint-Tropez dans les années 80 et la nouba qui s’en suivit dans la villa du Cap prêtée par l’ami Eddie Barclay, fait encore clignoter ses mirettes. « Comme je n’avais pas de résidence tropézienne, il a fallu intervenir directement auprès de Jacques Chirac alors président du RPR dont j’étais proche, pour que le maire de l’époque, Jean-Michel Couve, lui-même RPR, accède à ma demande. C’était un ultimatum sinon Patricia refusait de m’épouser ! Et vous voyez, 33 ans ont passé, nous sommes toujours ensemble !», conclut-il hilare.
‘‘ Dali me surnommait photographe qui pense” ‘‘ J’ai fait signer un portrait à Kennedy”