Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Septembre : les usines d’armement tournent à plein
Le baron Pierre-Melchior d’Azémar avait eu une vie bien remplie. Né près d’Alès en 1740, il avait embrassé la carrière des armes, était devenu commandant général des gardes nationaux, avait été incarcéré pendant la Terreur. Une fois arrivée l’heure de la retraite, il était retourné dans son village natal pour y cultiver la terre. C’est alors, qu’en 1806, Napoléon le rappelle et le nomme préfet du Var. Il a 66 ans. Pierre Melchior d’Azémar arrive à Draguignan, où se trouve alors la préfecture. Il constate aussitôt qu’il manque deux choses à une ville de cette importance : une place centrale et un espace ombragé permettant l’accueil des promeneurs. Lecture d’une délibération du 20 octobre 1806 : « Sous un climat brûlant, on ne rencontre des arbres qu’au sein de la campagne. On ne trouve pas le moindre abri contre les atteintes du soleil aux abords de la ville ».
Il invite les prêtres à promouvoir la vaccination
Le nouveau préfet crée donc l’actuelle place du Marché – au centre de laquelle sa statue se dresse, aujourd’hui, au haut d’une colonne – ainsi que les allées qui portent son nom. Mais là ne s’arrêtèrent pas les actions de ce préfet qui, selon les historiens, fut « apprécié et chéri comme un père ». Il restructure les services du département, transfère la prison, s’attaque à l’agriculture, assèche les marais de Fréjus et de Seillans, protège Cogolin d’une digue, assainit le cours de l’Argens, refertilise les environs de Brignoles, permet la culture, partout dans le département, d’un fourrage de qualité. Il lance même l’idée de cultiver le tabac, le coton, l’indigo. Mais cela sans succès. Il développe une grande campagne de santé, rendant les vaccinations obligatoires, invitant les prêtres à en vanter les mérites en chaire. En 1808, il promet une prime de 300 francs à l’officier de santé qui effectuera le plus grand nombre de vaccins !
Le maire d’Hyères renvoyé !
Politiquement, il est « ultra-royaliste »et le fait savoir. Sous son mandat, de nombreuses municipalités sont reconquises par les conservateurs. Il n’y va pas de main morte. Louis Courtès, maire de Toulon, affiche trop fort ses sympathies républicaines. Il est accusé de malversations, révoqué, et remplacé par le baron de Drée ! À Hyères, le maire républicain Jean-Léon Nicolas a fait preuve de négligences dans l’entretien de la vallée du Gapeau. Il est renvoyé ! Au Beausset, le maire lui aussi républicain, François Revest, s’est querellé avec un noble propriétaire terrien. Révoqué lui aussi ! L’attitude excessive du préfet d’Azémar finit par être jugée suspecte par le ministre de l’Intérieur. Le 22 juin 1811, on apprend que le préfet d’Azémar a été remplacé par un certain Pierre Thomas Le Roy de Boisaumarié, homme de confiance de Napoléon. La population regrette son départ. Son dossier est conservé aux Archives départementales. Sur les raisons de son retrait précipité, on peut lire : « Motif inconnu ».
Entre le XVIIIe et le XIXe siècle, l’installation de fours à rougir les boulets à proximité des canons permet d’appuyer les défenses côtières. Les boulets incandescents pouvaient enflammer un navire à deux kilomètres. Il ne reste que neuf fours en France, dont quatre sur les îles de Lérins.
Tout le monde connaît l’expression «tirer à boulet rouge ! » - interpeller quelqu’un avec des termes virulents – mais comment imaginer que ce sens figuré fut un jour utilisé au sens propre. Tout vient d’une stratégie militaire qui consistait à chauffer des boulets de canons à très haute température dans des batteries – autrement dit des fours reliés à des canons - avant de les lancer sur les assaillants. Si, depuis le XVIe siècle, des batteries étaient installées en Bretagne, ce n’est qu’en qu’elles apparaissent sur nos côtes azuréennes. Celles des îles de Lérins sont une initiative du général Bonaparte qui, à son arrivée dans l’armée des Alpes le mars , décide de renforcer les défenses côtières, tant françaises qu’italiennes, en édifiant des batteries sur les îles de Lérins. Avec ces nouvelles dispositions, Bonaparte verrouille la baie de Cannes jusqu’à la frontière italienne. Positionnées sur ces sites stratégiques, ces batteries à canons viennent renforcer les défenses des îles et du littoral déjà assurées par le fort Sainte-Marguerite. Fin , quatre sont opérationnelles, à chaque extrémité des deux îles, Sainte-Marguerite et Saint-Honorat. Ces positionnements plaçaient les intrus sous des tirs croisés, rendant ainsi le littoral azuréen inabordable. Ces batteries ont notamment été stratégiques lors de la bataille de Loano qui, en , fut une victoire des forces françaises de Masséna sur les Autrichiens qui tentaient de pénétrer en Italie.
Un boulet incendiaire toutes les dix minutes Chaque four donne un boulet toutes les dix minutes. Enfournés par la partie haute du four, des rails les guident vers sa partie basse en briques réfractaires, où des flammes les chauffent à plus de degrés. La fumée s’échappe par une cheminée située en haut du four. Les canonniers portent le boulet rouge du four jusqu’au canon avec une cuillère ou une bague à un ou deux manches. Avant de placer le boulet ainsi rougi dans le fût du canon, ils tassent la charge de poudre en y ajoutant un bouchon de paille mouillée ou de glaise. Ainsi chargé, la propulsion est estimée à mètres. Les boulets rouges provoquent des incendies sur les navires, brûlant voilure et ponts en bois et entraînant la mise hors de combat de l’attaquant. En , la commission d’armement des côtes de la Corse et des îles demande la suppression du tir à boulets rouges, estimant que fusées et obus explosifs remplacent avantageusement les boulets rouges. Les fours restés en place sont alors démilitarisés. Ils font l’objet d’un classement au titre des Monuments historiques depuis . Sources : base documentaire des Artilleurs ; les Annales de la et Littéraire de Cannes-Grasse, 1992-1993, tome XXXVIII. Société Scientifique