Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Signé Roselyne
Mardi
Encore une bataille de chiffres sur le nombre des manifestants réunis contre la bien modeste réforme du Code du travail : selon la CGT et selon la police. Une fois pour toutes, il faut que la CGT arrête de nous beurrer les lunettes. De toute bonne foi, la quasi-totalité des médias juxtapose les deux chiffres, accréditant dans l’opinion que la vérité doit être « entre les deux ». Hé bien non ! De nombreuses études indépendantes ont fait litière des boniments de la centrale de Montreuil. Non seulement ce sont les chiffres de la police qui sont les bons, mais ils sont même un peu majorés pour – si j’ose dire – balayer dans les coins, selon la formule d’un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Les techniques scientifiques d’évaluation d’une foule sont maintenant parfaitement au point et le nombre des manifestants devait donc tourner autour de . Pour autant, le gouvernement aurait bien tort de considérer cela comme un solde de tout compte. Le front syndical, fracturé dans un premier temps, est en train de se reconstituer autour de revendications catégorielles parfois hors sujet. Que faisaient les forains sur la place de la Concorde, alors que leurs difficultés ne ressortiront en rien du contenu des ordonnances ? Pourquoi les agents de la fonction publique forment-ils le gros des défilés alors qu’aucune disposition de la réforme ne les concerne ? Par ailleurs, l’inquiétude des lycéens et des étudiants devant les ratés de la rentrée universitaire et les craintes suscitées par la réforme du bac en a jeté un bon nombre sur le pavé. Il est donc à craindre que tout cela ne soit pas un baroud d’honneur mais bien le début d’un trimestre de manifs, de grèves, d’avions et de trains supprimés, de files d’attente à la pompe, d’opérations escargot. Courage, mes amis !
Mercredi
La secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes rouvre un dossier explosif en rappelant que la procréation médicalement assistée serait ouverte à toutes les femmes en . Il serait facile de gloser sur Marlène Schiappa qui, certes, a commis quelques maladresses. En l’occurrence, elle n’a fait que rappeler une promesse de campagne du candidat Macron et confirmer une annonce tenue par la ministre de la Santé Agnès Buzyn en juillet. On attend maintenant avec impatience les modalités financières d’une opération jusque-là prise en charge à % par la Sécurité sociale au titre d’un traitement
de la stérilité. Laisser la PMA à la charge des femmes serait la réserver aux nanties, la rembourser exige une réflexion principielle sur les missions de l’Assurancemaladie. La secrétaire d’État s’est bien gardée de s’aventurer sur un terrain qui va se révéler un véritable champ de mines. En tout cas, les opposants devront trouver un autre argument que celui du déficit des comptes sociaux, vu les très faibles dépenses que cela occasionnerait et les sommes considérables déjà engagées par notre pays pour mener des politiques à visée nataliste…
Jeudi
Un rapport parlementaire dénonce les conditions d’hébergement des personnes accueillies dans les établissements pour personnes âgées dépendantes et les conditions de travail du personnel. La présidente de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale s’est réjouie d’un travail mené en jours. Il faut dire que son auteur, la députée Monique Iborra, ex-socialiste maintenant LREM, n’avait pas grand mérite à cette rapidité tant les travaux abondent sur ce sujet. Le constat est accablant et les préconisations sont consensuelles. Formation du personnel, revalorisation de leur statut, embauches massives pour porter notre pays à la norme d’encadrement couramment admise de agents pour résidents
alors qu’elle n’est en moyenne que de en France. Tout cela est connu, une grande consultation nationale avait eu lieu en qui devait déboucher sur une prise en charge de la dépendance à la hauteur des enjeux. Le gouvernement de François Fillon avait alors renoncé pour une seule raison, l’énormité de la facture. Pour répondre aux besoins, il faut deux milliards d’euros supplémentaires par an dans un pays qui consomme déjà % des dépenses sociales de la planète pour % de la population mondiale. Les gouvernements socialistes que soutenait madame Iborra ont également reculé devant la charge. Aujourd’hui, nous n’avons plus rien à faire des rapports, des études, des missions et des commissions ! Messieurs Macron et Philippe ne doivent répondre qu’à une seule question : où prendront-ils l’argent indispensable à la dignité de nos aînés ? Tiens, une idée, devinez combien va rapporter l’augmentation prévue de la CSG sur les retraités ? Deux milliards…
Vendredi
Le diable est toujours dans les détails. Le déplacement aux Antilles d’Emmanuel Macron fut un indéniable succès. Le Président a été réactif au bon moment, ni trop tôt pour ne pas gêner les secours, ni trop tard pour accréditer un regrettable manque d’empathie. Le contact avec une population traumatisée s’est bien passé, beaucoup mieux que des échos alarmistes ne le laissaient craindre. Les annonces sont substantielles et l’engagement de retour sur l’île sera tenu à n’en pas douter. La nomination – pour suivre la réhabilitation de ces territoires – d’un préfet qui fut par ailleurs candidat aux législatives sous la bannière Les Républicains après avoir été directeur de l’UMP fait preuve d’une sympathique ouverture. Bon, mais cette semaine fut marquée par toute une série de petites pichenettes de communication tout à fait délicieuses par leur méchanceté. Le spectacle du président descendant guilleret l’échelle de coupée sur le tarmac de Pointe-à-Pitre, escorté des ministres Blanquer et Buzyn ahanant sous le poids de deux grosses valises, semblait un gag des Marx Brothers. La rigolade continuait ce matin avec Nicole Belloubet, la garde des Sceaux et Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, plantés comme deux chandeliers décoratifs autour de Macron signant en majesté la promulgation de la loi sur la moralisation de la vie politique. On va finir par croire que Gueule d’ange cultive un sadisme raffiné quand on complète le tableau par l’invitation à l’Élysée de ses deux prédécesseurs François Hollande et Nicolas Sarkozy au motif louable de fêter l’obtention par Paris des Jeux olympiques . Après s’être faits traiter sans ambages de fainéants, les deux « ex » ont été contraints de faire bella figura et de ravaler leur rancoeur en servant de pots de fleurs autour du nouveau locataire de l’Élysée, souriant et triomphant. Misère de misère, ce qu’il faut supporter quand on est un nouveau ministre ou un ancien Président…
« Où messieurs Macron et Philippe prendront-ils l’argent indispensable à la dignité de nos aînés ? »