Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« L’information, un bien commun! »
Pierre Haski, président de Reporters sans frontières, est aujourd’hui à Toulon. Invité par le Club de la Presse 83, il animera un débat, au théâtre Colbert, sur la liberté d’expression. Entretien
Place de la France dans le palmarès de la liberté d’expression, mutation numérique des médias, journalistes en prison ou encore fake news. Alors que Pierre Haski, chroniqueur à L’Obs et président de Reporters sans frontières (RSF) depuis le 27 juin, vient pour la première fois ce soir à Toulon, il revient, pour les lecteurs de Varmatin, sur les nuages et les éclaircies régnant dans le ciel de la liberté d’expression…
Avant-hier, pour son premier discours devant l’assemblée générale des Nations Unies, le président Macron a demandé la désignation d’un représentant spécial pour la sécurité des journalistes à l’ONU. Ce que demande RSF depuis quelques années… C’est en effet une très bonne chose. L’idée, c’est que le secrétaire général des Nations Unies nomme un secrétaire adjoint chargé de cette question. Le monde est plein de textes sur la liberté de la presse, il faut maintenant les faire respecter.
Mais quel sera l’effet concret sur les journalistes emprisonnés ? Prenez le cas de Loup Bureau, ce jeune journaliste resté emprisonné jours en Turquie. Lorsqu’il est arrivé dimanche dernier à Paris, il nous a raconté que lors de sa première semaine de détention, il avait été maltraité. Mais quand Emmanuel Macron a demandé publiquement sa libération, les maltraitances ont cessé. Ce qui signifie que lorsqu’on prend publiquement position, ça change radicalement les conditions de détention (président de RSF et porteparole du comité de soutien à Loup Bureau, Pierre Haski était présent lors du retour du jeune journaliste, Ndlr). De façon plus générale, quels sont les points noirs actuels entravant la liberté d’expression ? Jusqu’à présent, on imaginait que la principale menace à cette liberté était les actions d’une dictature. Ça reste en partie valable, comme le montre le cas de la Turquie, devenue la plus grande prison pour journalistes au monde. Mais ce qu’on observe, c’est, au sein même des démocraties, l’augmentation du phénomène des fake news, avec la multiplication et la diffusion de fausses informations diffusées par des groupes cherchant, entre autres, à gagner de l’argent. Sans parler des difficultés que traverse le monde de l’information avec les mutations technologiques. Il y a moins d’argent, les journalistes se précarisent et la presse s’affaiblit. Depuis trois ans, on observe en France une diminution du nombre de journalistes. C’est une première depuis la Deuxième Guerre mondiale…
La France n’est d’ailleurs que le pays au monde en terme de liberté d’expression, alors que les pays nordiques caracolent en tête… Même si ce n’est pas propre à la France, on observe dans notre pays une concentration de plus en plus grande de la presse dans les mains d’un nombre très restreint de groupes industriels. Ce qui s’est passé entre Vincent Bolloré et CNews, c’est assez choquant, des dizaines de journalistes ont quitté la chaîne. Il y a également les mesures liées à l’état d’urgence, qui ne sont pas comparables avec ce qu’il y a dans les pays nordiques.
Et quelles solutions envisager pour améliorer tout ça ? Les journalistes doivent tout d’abord reconquérir la confiance des citoyens, en cessant les emballements médiatiques ou la confusion entre information et divertissements. Ensuite, les plateformes telles que Google ou Facebook mettent certes au même niveau informations vérifiées et celles qui ne sont pas, mais Internet offre de vraies possibilités. On peut vérifier l’exactitude du discours public, mieux sourcer l’information ou encore plus donner la parole aux gens. À RSF, nous avons en projet de créer un label web permettant d’authentifier une information vérifiée. L’information est un bien commun, elle sert dans la vie de tous les jours et à tout le monde ! 19 h,théâtreLeColbertàToulon.Entrée libre. Réservations par courriel sur resa.clubpresse83@gmail.com